Répression policière et droit à manifester - Lettre Flash n° 51 BIS, 17 janvier 2019

Publié le : 17/01/2019

 

 

1. Une répression dangereuse et disproportionnée

Les organisations de défense des droits de l’Homme[1], les associations et syndicats s’alarment des nombreuses et graves atteintes à l’intégrité physique de personnes sur les lieux de manifestations et des formes de dissuasion opposées à la liberté de manifester.

En témoignent les graves blessures infligées par les armements utilisés en France, bien plus que dans d’autres pays de l’Union européenne où la consigne générale est de préférer la désescalade. En cause, principalement, le Lanceur de balle de défense (LBD), arme dite « sublétale », mais qui présente à courte distance des risques élevés de traumatismes et de lésions graves irréversibles (perte d’un œil…) voire mortelles. En cause, également, certaines munitions explosives comme les grenades de désencerclement et le recours systématique aux grenades lacrymogènes contre les groupes manifestants. Plus grave encore, le déploiement de policier.e.s armés de fusils d'assaut lors des manifestations du 12 janvier dernier, acte le choix par le gouvernement d'une escalade dans la répression.

Le bilan est accablant : plus de 1 700 blessé.e.s ont été recensé.e.s depuis le début du mouvement des gilets jaunes par le collectif « désarmons-les », chiffre jamais atteint en métropole depuis les guerres de décolonisation. La réponse pénale n'est pas en reste : on dénombre plus de 5 000 gardes à vue, 4 000 réponses pénales et 216 incarcérations. Parmi les arrestations effectuées, nombre d'entre elles n'ont pas donné lieu à des poursuites et apparaissent injustifiées. Quant aux condamnations prononcées (environ un millier), elles sont parfois lourdes au regard des faits retenus.

Dans le cadre d'une démocratie, la liberté de manifester commence avec l’autorisation donnée aux organisateur/trice.s garant.e.s de son objet, la mission des forces de l’ordre devant être exclusivement de protéger les participant.e.s, notamment contre les voies de fait pouvant mettre en danger des personnes ou des biens sur le trajet ou le lieu de la manifestation.

Toute utilisation des forces de l’ordre sortant de ce cadre constitue une entrave à la liberté d’expression dans l'espace public.

Le SNESUP-FSU exige que soit proscrite toute utilisation d’armements portant atteinte à l’intégrité physique des personnes et que les instructions données par le pouvoir exécutif aux forces de l’ordre ne les conduisent pas à contredire dans les faits le « droit de s'assembler paisiblement » consacré par l'article 7 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789.

 

2. Une atteinte inquiétante au droit à manifester

Dans l'attente d'une réponse politique au mouvement des gilets jaunes, le gouvernement a repris à son compte une proposition de loi du Sénateur LR Bruno Retailleau du 14 juin 2018 « visant à prévenir les violences lors des manifestations et à sanctionner leurs auteurs ». Ce texte s'inspire à la fois de la loi « anti-casseurs » du 8 juin 1970 et, pour ce qui est du fichage des personnes, du Fichier national des interdits de stade (Fnis) créé par un arrêté du Ministre de l'Intérieur du 4 septembre 2007. Ce texte reprend par ailleurs le dispositif créant un « périmètre de protection » expérimenté durant l'état d'urgence pour les manifestations « à risque » ou non déclarées. Dans ces périmètres, les forces de l'ordre pourraient procéder à des fouilles et à des palpations jusqu'à six heures avant le début de la manifestation.

Sur quels éléments seront prononcées les interdictions de manifester ? Le Syndicat de la Magistrature redoute que ces décisions « soient prises sur la base d'informations des services du renseignement concernant "l'appartenance" supposée "à un groupe" » ou les "relations" supposées d'un individu avec d'autres »[2]. Le risque d'interdictions préventives arbitraires apparaît élevé dans le cadre d'un tel dispositif. Nous le rejoignons car la législation actuelle permet d'ores et déjà de protéger les personnes et les biens et de faire face aux conséquences de manifestations violentes, le SNESUP-FSU demande par conséquent le retrait de ce projet loi.