Publié le : 07/06/2017

Qu’est-ce qu’un être ? […] La somme d’un certain nombre de tendances.
Est-ce que je puis être autre chose qu’une tendance […] ? Non, je vais à un terme
Diderot, Le rêve de d’Alembert

Laurent, serrez ma haire avec ma discipline
Molière, Tartuffe

 

Par calcul et ou par conviction de bons camarades nous disent des tendances ou des « courants de pensée » dans le SNESUP (et plus généralement dans la FSU) qu’il s’agit d’un un archaïsme et par conséquent d’un « problème » ou d’un obstacle, mais sans que ce(s) dernier(s) et leur teneur ne soi(en)t réellement explicité(s).

On rappellera d’abord que le droit de tendance est une possibilité organisationnelle au sein de la FSU et de ses syndicats et qu’il ne s’agit nullement d’une obligation, tout comme l’adhésion (ou non) d’un-e militant-e à une tendance/un courant de pensée est un choix personnel. On a donc le droit de se déclarer « sans tendance », en observant, cependant, avec étonnement, que la « majorité » de la FSU, « Unité et action » (UA), proclame les y inclure (cf. les documents du 6e congrès national de la FSU, Le Mans, 1er-5 février 2016).

On rappellera ensuite que cet archaïsme est précisément le moyen, démocratique, utilisé par ces mêmes et toujours bons camarades (sinon ils ne le seraient pas, des camarades) pour dire tout le mal qu’ils pensent par ailleurs de ce droit d’expression démocratique. La vraie liberté, comme la démocratie, est en effet aussi la liberté de la critique et plus encore sa possibilité effective. Et le droit de la contradiction n’est pas le moindre des droits démocratiques…

Cette possibilité d’une expression démocratique des divergences d’analyse et d’appréciation et d’une possibilité d’en débattre également, c’est-à-dire aussi de pouvoir changer d’opinion, dans un sens ou dans l’autre d’ailleurs, présuppose un commun que nous partageons toutes et tous et qui nous unis, non pas en dépit de mais grâce à ces divergences.

Car la communauté de vues, ce n’est pas l’homogénéité ni l’unité monolithique, mais bien la divergence et la discussion, ne serait-ce que pour articuler, dans tous les sens du terme, mécanique et linguistique, cette diversité dans et de l’unité. Au reste, et nous le savons bien, un monolithe a, en définitive, moins de force et de résistance. Il s’érode, il se fragmente. Sa puissance, apparente, celle du nombre ou de l’empan, est en réalité sa faiblesse, sa plus grande faiblesse même, puisque sa consistance n’a pas la sagesse de l’articulation et du débat.

J’ose espérer que nous ne sommes pas une communauté réduite aux aguêts !

Vincent Charbonnier
7 juin 2017