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Publié le : 26/06/2017

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Motion santé

Éléments d’état des lieux

En 2025, si l’on suppose que les départs à la retraite s’effectuent à l’âge de 65 ans pour les médecins et que le contexte d’accès et d’exercice du métier, dont le numerus clausus qui reste de l’ordre de 8 000 en deuxième année d’études médicales, il y aura environ 17 % de généralistes de moins qu’en 2014.
Outre le remboursement très insuffisant des soins, la pénurie en médecins, selon les territoires, est une des causes majeures de la restriction de l’accès aux soins dans les campagnes mais aussi dans les banlieues ou certains quartiers des grandes villes, tant pour la médecine générale que pour maintes spécialités (ophtalmologie, dermatologie, gynécologie médicale…). Les nouveaux médecins – dont plus de 50 % de femmes pour la médecine générale – ne veulent plus travailler comme les anciens. Les conditions de rémunération des médecins de ville ne leur permettent pas à toute et à tous d’accéder à un revenu correspondant à leurs années d’études et à leur qualification ; ainsi le montant de la consultation varie en fonction des spécialités et 7 % des médecins généralistes gagnent moins de 1,5 Smic. En même temps, les dépassements d’honoraires croissent. La logique comptable, dans laquelle s’inscrivent trop souvent le développement de l’ambulatoire, la restructuration des hôpitaux, etc., contribue à éloigner les médecins d’une carrière hospitalière. Dans le même temps, en dépit de conditions d’accueil de plus en plus difficiles, de nombreux/ses patient.e.s affluent aux urgences du fait notamment d’une médecine libérale qui ne répond plus aux besoins.
Aujourd’hui, le numerus clausus limite toujours drastiquement l’accès aux études médicales. Fixé en 1971 à plus de 8 500, il est descendu à 3 500 à la demande de l’ordre des médecins (année 1988) et a commencé à remonter à partir des années 2000 pour se situer à 8 124 pour 2017. Certains technocrates escomptaient qu’en limitant l’offre, les dépenses de santé seraient réduites. En fait, selon diverses études, le numerus clausus et sa variation ont des effets nets sur les salaires des médecins et sur le différentiel entre médecins et cadres, qui s’accroît quand le numerus clausus diminue. Mais l’effet le plus visible est la désertification médicale des campagnes liée à la pénurie des services publics dans les campagnes, et la féminisation de la profession a accéléré ce phénomène. En outre, le numerus clausus est associé à un concours (Paces, aujourd’hui) qui repose sur beaucoup de bachotage, ce qui pousse les étudiant.e.s à recourir à des officines privées fort onéreuses mettant par ailleurs en cause la propriété intellectuelle d’enseignement. C’est un véritable gâchis sur lequel il faut revenir.
Par ailleurs, l’accès au troisième cycle des études médicales (internat) et à ses différentes spécialités se fait par le biais des épreuves classantes nationales (ECN) de fin de deuxième cycle. Ces ECN sont ouvertes aux étudiant.e.s :
– ayant validé le deuxième cycle des études de médecine en France (venant selon le cas de la Paces ou de parcours universitaires de licence et master) ;
– ressortissants des États membres de l’Union européenne ou des autres États parties à l’accord sur l’Espace économique européen, de la Confédération helvétique ou de la principauté d’Andorre, ayant validé une formation médicale de base mentionnée à l’article 24 de la directive 2005/36/CE modifiée du Parlement européen et du Conseil de l’Europe du 7 septembre 2005 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles. Il existe quelques rares possibilités pour les personnels paramédicaux ou médicaux en reconversion dans des conditions très restrictives de diplômes de master. Les ECN sont contestées sachant qu’elles reposent parfois sur trop de bachotage. Certains veulent les régionaliser. En outre, tous les postes d’internes ne sont pas pourvus (notamment en médecine générale), ce qui est vraisemblablement dû au différentiel de rémunération des spécialités. La nouvelle réforme de la formation des médecins spécialistes, avec une durée réduite, inquiète.
Ainsi, 30 % des nouveaux médecins s’installant en France ont obtenu leur diplôme à l’étranger. C’est sans doute une des conséquences du numerus clausus en France, mais aussi d’autres facteurs.
La question de la formation des médecins émerge désormais publiquement, même si l’ordre des médecins freine les prises de décisions nécessaires et si les divers gouvernements successifs – avec l’augmentation insuffisante du numerus clausus en médecine – n’ont pas pris les mesures indispensables pour éviter le désastre qui s’annonce.
La situation n’est guère meilleure dans le paramédical, où les formations privées sont largement présentes et où les diplômes confèrent au plus un grade (licence pour les infirmiers).
Enfin, il existe des aides à l’installation des médecins (1 200 € par mois) là où la continuité des soins fait défaut. L’article 46 de la loi hôpital, patients, santé et territoire (HPST) du 21 juillet 2009(*) a instauré un contrat d’engagement de service public (CESP) financé par l’assurance maladie à destination des étudiant.e.s en médecine à l’issue de la première année commune des études de santé ou ultérieurement. En contrepartie, les étudiant.e.s s’engagent à exercer leurs fonctions, à compter de la fin de leur formation, dans des lieux d’exercice spécifiques. Les chiffres sont définis pour chaque année pour les étudiant.e.s d’une part, pour les internes d’autre part. Il n’y a eu que 216 CESP en 2016 pour des internes, dont 172 en médecine générale (et 0 en médecine du travail, spécialité pourtant très déficitaire !). Pour 2017, il y aura 478 CESP, dont 262 pour les étudiants.
Des collectivités territoriales mettent aussi en œuvre des aides au financement.

Projet de motion

Former plus de médecins et les former mieux : une urgence sanitaire
La pénurie de médecins s’installe et s’aggrave. Une politique ambitieuse de santé s’impose, notamment du fait du renoncement aux soins, du vieillissement de la population, du développement de nouvelles maladies chroniques et de la nécessité de promouvoir une médecine de prévention.
Un plan d’urgence doit être mis en place pour augmenter fortement le flux de formation de nouveaux médecins. Des décisions importantes doivent concerner la formation publique initiale et continue des praticiens de santé, la recherche, les structures hospitalières et la démographie médicale.
Le SNESUP s’adresse à ses partenaires syndicaux et au mouvement social – et en particulier aux personnels de santé qui en sont parties prenantes et aux représentants des usagers (ou associations de patients) – en vue d’organiser à l’automne une initiative publique pour avancer ensemble des propositions.
D’ores et déjà, le SNESUP avance quelques pistes de réflexion.
1. La nouvelle réflexion doit être fondée sur la nécessité d’investir plus dans le préventif au lieu de tout miser sur le curatif.
2. Le cursus de formation des médecins, et plus généralement des personnels de santé, son lien avec les pratiques médicales et la recherche, y compris dans des domaines où cette dernière n’existe pas en France (soins infirmiers), doivent être revus.
3. La réforme des cursus de santé doit passer par un bilan de toutes les études de santé : médecine, pharmacie, universitarisation de certaines formations de santé (notamment des infirmier/ière.s et des kinés), voire des études vétérinaires. Les expérimentations en cours doivent être analysées.
4. Se pose la question de cycles spécifiques comme aujourd’hui, ou d’une formation initiée par une licence de santé (avec d’éventuelles spécialités) permettant des reconversions vers d’autres mentions ou diplômes (paramédicaux).
5. La formation – dès la première année – doit être interdisciplinaire (incluant des sciences économiques et sociales, la psychologie…) et prendre en compte les développements technologiques. Le contenu et les modalités doivent reposer sur la réflexion et l’esprit critique, notamment en termes d’éthique et de déontologie.
6. Une autre question majeure est le lien avec la pratique, et donc les lieux de stage. Cela passe par une interaction avec le malade dès la première année (stage secouriste, Samu, pompiers, humanitaires, Samu social…).
7. Dans le cadre d’une réflexion globale sur les études de santé, le SNESUP propose que les années d’études soient sanctionnées par un examen et non par un concours :
– dans l’immédiat, le SNESUP demande l’abandon du numerus clausus en médecine et, dans un premier temps, une augmentation significative des places dès 2018 ;
– le nombre de postes ouverts à l’internat doit être augmenté, en corrélation avec la suppression du numerus clausus. Le SNESUP demande aussi une analyse critique des contenus et résultats des épreuves classantes, afin de mettre en place transitoirement des modalités permettant que tous les postes d’interne soient pourvus, quelles que soient les spécialités.
8. La formation continue des médecins doit être améliorée et son financement clarifié.
9. Il faut les dotations en moyens humains et matériels par des postes statutaires indispensables à la formation des personnels de santé, sinon on ne pourra former plus de personnels de santé au meilleur niveau.
10. L’extension des aides à la formation des médecins dès la première année, associées à un engagement de travail dans une zone ou une discipline déficitaires, doit être débattue en se basant sur une étude de l’impact effectif des mesures actuelles et sur les conditions de financement et de mise en œuvre.
11. Il faudrait aussi inverser la politique de marchandisation/appauvrissement des structures d’hospitalisation. La rente du secteur privé médical dans l’hôpital public, dispositif déterminant dans l’existence d’une médecine à plusieurs vitesses, doit être supprimée, tout comme doit être endiguée l’évolution hospitalière actuelle, qui pousse de plus en plus au rendement et à la compétition avec les cliniques privées. La révision des rémunérations des consultations et actes médicaux en fonction de leur complexité devrait permettre aux médecins de pleinement mettre en œuvre leurs qualifications, de consacrer le temps nécessaire aux patients et d’avoir un revenu correspondant à leur statut, tout en mettant fin au dépassement d’honoraires.
12. Il faut stopper la casse de l’hospitalisation publique avec les groupements hospitaliers de territoire induits par la loi Touraine.
13. Le développement de la recherche ne doit pas être entravé par des politiques de financement de sources multiples sur appels à projets. Des jeunes doivent être encouragés à se destiner à une carrière d’hospitalo-universitaire, sans que des critères universitaires de plus en plus exigeants ou des conditions de travail et de rémunération dégradées ne les détournent du service public.

(*) Loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires.

Pour : 62
Contre : 0
Abst. : 2
NPPV : 0