Communiqué de la section SNESUP-FSU de l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 20 mars 2020
Maintien de la « continuité pédagogique », attention à l’illusion de normalité
Depuis le début de la semaine, les choses s’organisent progressivement pour maintenir, à distance, un lien pédagogique. L’initiative est bonne et nous la saluons. Attaché.e.s à notre mission de service public, si nous pouvons dans ces circonstances exceptionnelles continuer à transmettre, à échanger, à questionner, et aussi, reconnaissons-le, à porter les esprits sur autre chose que l’anxiété du quotidien, nous le ferons avec toute notre conscience professionnelle.
Mais nous voulons mettre en garde dès maintenant sur les dangers que représenterait l’illusion de normalité, la tentation de vouloir continuer à distance à un rythme ordinaire comme si de rien n’était. Cette tentation est manifeste, aussi bien dans les consignes du ministère, et parfois même dans nos pratiques, mais il faut tout de suite la repousser. La période que nous vivons N’EST PAS NORMALE et nous fonctionnerons, chacun selon les circonstances, dans un mode dégradé. La priorité est, pour toute la communauté universitaire, de respecter les consignes de confinement. Il faut que cela soit dit par la présidence et les directions d’UFR et par l’ensemble des équipes.
Enseignant.e.s, titulaires et vacataires, et personnel.le.s de l’administration, titulaires ou contractuel.le.s, nous vivons et vivrons dans des circonstances hétérogènes et qui ne peuvent pas être normées. Les conditions matérielles de confinement, d’approvisionnement, d’accès à une connexion, la présence d’enfants, de parents, la maladie de soi ou d’un proche, dès aujourd’hui ou plus tard, ou encore l’anxiété, créent des situations diverses, mais qui ont toutes en commun d’être incompatibles avec un fonctionnement « normal ». Certains peuvent travailler à plein-temps, d’autre à temps très partiel, d’autres pas du tout, et les situations vont nécessairement évoluer.
Il est donc illusoire et dangereux de programmer la reproduction à l’identique de tous les cours au format vidéo, de demander un reporting serré des activités réalisées, ou de chercher à délivrer des notes à un rythme ordinaire et coûte que coûte. Plus que jamais, ce type d’injonction complique les situations déjà difficiles. En aucun cas, inciter – ne serait-ce qu’implicitement, par des attentes démesurées, les personnels à travailler par exemple, le soir – quand les enfants sont couchés – , ou le week-end n’est une solution. Si c’est possible, nous aurons, pour nous, pour nos proches, besoin de repos. Nous ferons ce que nous pourrons, comme nous le pourrons, pour maintenir un lien pédagogique avec les étudiant.e.s, fournir davantage de références à celles et ceux qui ont du temps, répondre à leur questions, mais les solutions que nous trouverons seront nécessairement diverses et artisanales.
De même, nos attentes vis-à-vis des étudiant.e.s doivent être clarifié.e.s : nous mettrons à leur disposition des outils pour poursuivre leur travail, quand c’est possible nous leur donnerons des travaux à effectuer, mais il doit être clair dès maintenant que le régime pédagogique normal ne peut être maintenu. Comme les enseignant.e.s, la situation matérielle, sanitaire et sociale des étudiant.e.s est extrêmement diverse, et va évoluer au fil du temps. Celles et ceux qui peuvent effectuer des travaux académiques pourront s’en prévaloir, mais chaque étudiant.e fera « comme il/elle peut ». Et aucun.e ne doit ressentir l’injonction de rendre des travaux au détriment de son sommeil, de sa santé physique ou psychique, ou de sa sérénité.
Pour que cela soit possible nous devons annoncer dès maintenant un principe de notation « au plus favorable » qui considérera en fin de semestre les éléments de contrôle continu qui ont pu être rendus et corrigés, et/ou une modalité de validation finale allégée et adaptée aux circonstances.
C’est seulement sous ce mode d’organisation que nous pourrons, fièrement, maintenir et inventer un lien pédagogique dans la longue période qui s’annonce.