Dans l'enseignement supérieur et la recherche (ESR) comme à l'hôpital, la crise sanitaire révèle et aggrave les difficultés structurelles des services publics : nous manquons cruellement d'enseignant·es-chercheur·es, d'enseignant·es et de Biatss. Depuis des semaines, les personnels de l’ESR tentent d’assurer tant bien que mal une rentrée universitaire sans moyens supplémentaires. Aucune décision à la hauteur de la situation n’a été prise en dehors des tentatives de réduire les effectifs à 50 % dans les zones en état d’alerte maximale et renforcée. Stigmatiser une jeunesse ne peut masquer les manques d’une politique qui s’en détourne. La hausse continue des effectifs étudiants aurait nécessité la création de plusieurs milliers de postes (les heures complémentaires correspondent à 20 000 postes d'enseignant·es-chercheur·es (EC)). Parallèlement de nombreu·x/ses jeunes titulaires du doctorat sont au chômage ou dans la précarité.
La dégradation de la démocratie universitaire et des conditions de travail s’accélère
La dégradation des conditions de travail s’accélère. Les instances se réunissent partiellement ou entièrement à distance dans des conditions compliquées pour se faire entendre et les délibérations se déroulent sans cadrage suffisant. Épuisement physique et psychologique, isolement, frustration de ne pas pouvoir exercer notre métier et notre activité militante dans de bonnes conditions, risquent de laisser des stigmates à long terme. Les décisions sont le plus souvent renvoyées aux enseignant·es eux/elles-mêmes, poussé·es à recourir à des plateformes numériques privées avides d’exploitation des données. Une grande hétérogénéité des situations se dessine y compris au sein même des établissements, certaines équipes ou formations ayant dès le départ fait le choix d’un enseignement dématérialisé, d’autres tentant de maintenir l’enseignement sur site autant que faire se peut. Comment dans ces conditions coordonner les emplois du temps et l'intermittence des cours sur site et à distance? Comment maintenir les collectifs de travail dans ces conditions kafkaïennes ? Pour assurer les formations et la réussite de tout·es les étudiant·es et pour maintenir les activités de recherche, nous avons besoin d’urgence de locaux et de personnels titulaires de toutes catégories. Relevons que sans compensation du GVT en 2021, les établissements continueront à geler des postes.
Malgré ce contexte difficilement tolérable et des conditions de dialogue biaisées avec le ministère (calendrier inconnu, ultimatums à répétition, annonces méprisantes de la ministre sur l’issue du dialogue social, diffusion tardive des textes,etc.), les syndicats de la FSU ont choisi de porter leurs revendications pour obtenir du gouvernement des engagements plus favorables aux personnels.
Le SNESUP-FSU a pesé pour arracher des améliorations. Notons en particulier pour les EC : la baisse de la part des primes attribuées à titre individuel au profit d’une augmentation significative de la part statutaire et l’augmentation du nombre de recrutements de professeur·es d’université (PU) réservés aux maîtres de conférences (MCF) habilité·es à diriger les recherches. Pour autant, le lien avec la loi de programmation pour la recherche (LPR) et ses dangers demeure et ces avancées sont insuffisantes : le régime indemnitaire restera trop fortement individualisé, source d'injustices, le nombre de concours réservés est encore insuffisant par rapport au vivier de MCF qualifié·es aux fonctions de PU et il n’y a aucune mesure pour favoriser le passage vers le corps des MCF des enseignant·es du supérieur de statut 2nd degré ayant une activité de recherche. Aucune solution n’est ébauchée pour arriver à concrétiser pour les EC le principe d’une carrière qui se déroule sur au moins deux grades. De plus, le risque est fort que les primes individualisées soient attribuées via des évaluations locales, ce qui aggraverait la souffrance au travail et les tensions déjà importantes.
Par ailleurs, les besoins criants en emplois titulaires restent niés par l’absence d’une programmation de créations nettes de postes d’EC. Si créations il y a, les seules visibles dans ce protocole viendront en effet uniquement de la titularisation de chaires de professeur·es junior·es créées par la LPR et auxquelles nous sommes opposé·es compte-tenu du dénigrement et des menaces très fortes qu’elles font peser sur le statut de MCF. Pour ces raisons, le SNESUP-FSU, syndicat majoritaire auprès des enseignant·es du supérieur, s’oppose à la signature de cet accord. Il continuera à être force de propositions et de mobilisations concernant les questions de rémunération et de carrières des enseignant·es-chercheur·es et des enseignant·es.
Le SNESUP-FSU mobilisé contre la loi de programmation de la recherche
Le protocole accompagne la remise en cause du service public de l’ESR portée par la LPR et la destruction des statuts de la fonction publique. Après un passage éclair à l’assemblée nationale, c’est désormais au tour du Sénat d’examiner le projet de LPR. L’ESR a besoin d’un tout autre projet de loi, au service de toutes et tous, avec des moyens humains, financiers et matériels garantis et pérennes.
Face à la crise sanitaire et sociale, la mobilisation est plus que jamais nécessaire pour défendre les services publics et l'emploi public. Des cadeaux massifs sont faits aux entreprises privées, alors que les budgets des services publics sont sacrifiés.
Le SNESUP-FSU appelle à refuser l’aggravation de la précarité, la généralisation du principe délétère de mise en concurrence des personnels et des établissements, la privatisation de l’enseignement supérieur et de la recherche et la multiplication des appels à projet.
Il appelle à organiser des assemblées générales, à continuer à informer largement les collègues, à faire signer des motions au sein des établissements et à construire localement les actions à venir, y compris à rejoindre celles qui se construisent par les personnels de santé.
Le SNESUP-FSU appelle l’ensemble des personnels et des étudiant·es, avec l’intersyndicale de l’ESR, à se joindre au rassemblement contre la LPR à Paris devant le Sénat le 28 octobre à 14h.