Examen de la LPR au Sénat
LIBERTÉS UNIVERSITAIRES : UN AMENDEMENT DANGEREUX, MALVENU ET NON CONFORME
L’amendement n°234 au projet de loi de programmation de la recherche (LPR) déposé à l’initiative de la sénatrice de l’Essonne Laure Darcos et adopté par le Sénat en séance plénière la semaine dernière [voir ici pour plus de détails] a suscité une onde de choc au sein de la communauté universitaire.
Cet amendement est dangereux. Il vient restreindre une liberté fondamentale et ouvre la voie à d’autres restrictions ou à d’autres réécritures de l’article L 952-2 du Code de l’Éducation qui pourraient se traduire, à terme, par une remise en cause plus profonde des libertés universitaires. Plus symbolique que normative, la notion de « respect des valeurs de la République » n’a en aucun cas vocation à s’inscrire comme une limitation potentielle de l’activité des enseignants et des chercheurs. C’est précisément parce que nous adhérons aux « valeurs de la République » que nous estimons qu’elles ne sont pas compatibles avec toutes les restrictions permanentes et sans contrôle des libertés fondamentales. Cette adhésion doit être raisonnée et ne peut faire l’économie du débat public et de la critique. Les « valeurs de la République » ne doivent pas devenir un dogme opposable à la liberté d’expression et introduire un élément de division au sein de l’ensemble indissociable que constituent les libertés universitaires : liberté de recherche et de publication – liberté d’enseignement – liberté d’expression.
Cet amendement est malvenu. Il intervient dans le cadre de la discussion d’un texte de loi de programmation de la recherche qui est massivement rejeté par la communauté universitaire, communauté dont les moyens d’expression se trouvent de fait limités par l’état d’urgence sanitaire et par la priorité qu’elle accorde actuellement aux tâches matérielles de nature à permettre la continuité de nos missions de formation et de recherche dans le cadre du confinement ordonné par le gouvernement.
Cet amendement est non conforme. Il met en contradiction la loi française avec les recommandations concernant la condition du personnel enseignant de l'enseignement supérieur adoptées par l’UNESCO le 11 novembre 1997 – en particulier les articles 25 à 32 – et avec la jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CDEH).
Lorsqu’un ministre de la République n’hésite pas à accuser l’université de compromission idéologique avec le terrorisme, il est urgent de réaffirmer le caractère indispensable et indivisible des libertés universitaires.
La commission mixte paritaire, qui devrait se réunir le 9 novembre prochain, se doit de supprimer cet amendement qui va à l’encontre des principes constitutionnels issus de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. À défaut, le SNESUP-FSU sollicitera l’ensemble des parlementaires afin qu’ils procèdent à une saisine du Conseil Constitutionnel.