L’IGAENR propose une transformation des statuts des établissements d’enseignement privé : de nouveaux droits mais quels devoirs ?

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Publié le : 20/10/2016

L’IGAENR  propose une transformation des statuts des établissements d’enseignement privé : de nouveaux droits mais quels devoirs ?

Proposé par le secteur Recherche

 

L’IGAENR ne préconise pas moins que de donner la collation des grades aux établissements d‘enseignement supérieur privés.

L’IGAENR (Inspection générale de l’administration de l‘enseignement et de la recherche) a publié en juin dernier son rapport missionné sur : «l’enseignement supérieur privé : efficacité des procédures de contrôle et de certification, complémentarité ou concurrence avec l’enseignement public, mode d’allocation des moyens publics». Pourquoi ? Parce que le poids des établissements privés a augmenté ces dernières années et ne peut plus être marginalisé. Les étudiants accueillis dans le privé sont environ 500 000 contre 2 millions dans le public, avec une disparité de labels, d’accords gouvernementaux ou rectoraux qui entrainent confusion et parfois publicités trompeuses.

Si l’IGAENR relève le problème majeur des libertés dont les établissements privés disposent en matière de droits d’inscription et de sélection, ces derniers ne sont pas mis en perspective avec les velléités de certaines institutions privées de « monnayer » le diplôme doctoral. La disparition progressive de cadrage national des formations ouvre en effet la porte à une commercialisation des formations aux plus offrants, au delà des considérations de qualité et de contenu. De même, les établissements privés gagnent-ils en intérêt ou sont-ce les établissements publics qui n’assurent plus une formation de qualité sur tout le territoire, poussant un nombre croissant de familles argentées à privilégier les établissements sélectifs, notamment par les frais d’inscription ? L’IGAENR ne traite pas cette question. Plus encore, avec la réforme de la taxe d’apprentissage et une subvention publique rognée, les établissements privés n’ont plus les mêmes marges de manœuvre financières. Elles grognent donc à l’ « oreille » du gouvernement. Le rapport de l’IGAENR est-il une réponse à cette demande ?

L’IGAENR a bien senti quelle serait l’opposition des universités publiques en « tenant compte des réticences légitimes des établissements publics qui n’entendent pas céder sur la question de la collation des grades si leurs arguments ne sont pas pris en compte ». Pour autant, les propositions bien ficelées, montrent au détour des mots que l’inspection générale de l’administration (dont ses hauts-fonctionnaires sont issus pour la plupart des grandes écoles) offre la collation des grades contre un cadre très insuffisant d’obligations.

Les pistes évoquées sont la contractualisation et les EESPIG (Etablissements d’enseignement supérieur privés d’intérêt général)[1]. Un nombre important d’établissements privés étant susceptibles de demander la collation des grades, l’IGAENR préconise de s’appuyer sur loi Rocard du 31 décembre 1984 sur l’enseignement agricole privé.

Plusieurs principes de remise à plat public-privé avancés méritent discussion:

  • Le maintien de la liberté d’ouverture d’établissements privés.
  • L’unification des modalités d’ouverture des établissements privés, et donc la suppression de la distinction entre établissements techniques, à distance et libres, régis par des droits différents. La disparité de labels accordés selon les rectorats aux établissements privés hors contrats est l’une des critiques majeures.
  • La nécessité (obligation ???) de participer au service public de l’ESR pour obtenir labels et soutiens financiers. Là encore, égalité de contraintes et de devoirs entre le public et le privé ?
  • La reconnaissance par l’Etat de garantie de qualité aux établissements privés qui le demandent (seulement?) après certification des diplômes par la commission nationale de certification professionnelle. Le grand hic est que la certification a pour seul critère l’insertion professionnelle. Rappelons que le projet d’arrêté doctorat donne subtilement existence à des doctorats « lights » aux grandes écoles par VAE, avec diminution du temps imparti à la recherche fondamentale et augmentation du taux de formation et de pratique à l’entreprise.
  • Le renforcement du label EESPIG qui permet à un établissement privé, y compris consulaire, « sous le contrôle » d’un EPSCP (établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel) d’une COMUE de délivrer le grade doctoral. Mais si les EESPIG demandent les mêmes droits et devoirs que les EPSCP, pourquoi continuer à être évalués par les CTI (commission des titres d’ingénieurs) et les CEFDG (commission d’évaluation des formations et des diplômes de gestion)? Le rapport de l’IGAENR parle pourtant de renforcer le statut et les moyens de la CTI et de la CEFDG, avec possibilité ( ?) de « renforcer le rapprochement avec le HCERES ».
  • La remise de l’habilitation à recevoir des boursiers uniquement aux formations délivrant des diplômes reconnus et aux formations inscrites au RNCP.

L’IGAENR doit revoir sa copie, le compte n’y est pas !

 

[1] Aujourd’hui, 9 EESPIG (qualification par arrêté, après avis du comité consultatif pour l’enseignement supérieur privé) : 4 écoles de commerce,  4 écoles d’ingénieurs et un institut catholique.