Paris, le 15 novembre 2020
À l’attention des Député·es
Madame la Députée, Monsieur le Député,
La commission mixte paritaire réunie le 9 novembre a adopté un projet de loi de programmation de la recherche qui ne répond pas aux enjeux et aux besoins de la recherche française. Comme l’a bien montré l’avis du CESE, pour atteindre l’objectif d’un investissement dans la recherche à hauteur de 3 % du PIB, objectif fixé en 2003 par la « stratégie de Lisbonne » mais jamais atteint par la France, il serait nécessaire : (1) de mettre en œuvre un plan de relance à hauteur de 4 milliards d’euros, pour atteindre l’objectif de 1 % du PIB pour la DIRDA en 2021 ; (2) de faire en sorte que les entreprises augmentent de 14 milliards d’euros supplémentaires leurs dépenses de recherche pour atteindre l’objectif de 2 % du PIB de dépenses privées. Force est de constater qu’en l’état, ce projet de loi ne parviendra pas à atteindre ces objectifs et qu’il déstabilisera en outre le service public de l’enseignement supérieur et de la recherche (ESR) et ses personnels déjà largement fragilisés.
Par ailleurs, au-delà des points que nous avons développés dans nos analyses depuis plus d’un an, ce texte maintient deux amendements très problématiques introduits lors de son passage au Sénat et validés par Frédérique Vidal sans que leurs objets n’aient été intégrés dans les différentes consultations préalables avec les organisations syndicales et professionnelles, notamment la Commission Permanente du Conseil National des Universités.
Le premier de ces amendements supprime l’obligation de qualification par le Conseil National des Universités pour accéder aux fonctions d’enseignant-chercheur, affaiblissant ainsi gravement leur statut national et introduisant potentiellement une rupture d’égalité entre les candidat·es. Il ouvre également la voie à des dérives localistes et clientélistes. Le comité technique des personnels enseignants titulaires et stagiaires de statut universitaire (CTU), compétent exclusivement pour l'élaboration ou la modification des règles statutaires relatives aux enseignants-chercheurs, aurait du être consulté sur cet amendement compte-tenu de son impact sur le statut des enseignants-chercheurs.
Le second remet en cause la tradition séculaire des franchises universitaires en créant un délit d’entrave pour les établissements de l’ESR. Il s’agit là d’une atteinte disproportionnée à la liberté d'expression et aux libertés syndicales qui va à l’encontre de la conception démocratique que nous nous faisons de l’université française.
Les organisations de la FSU pour l'ESR vous demandent de ne pas adopter cette loi à laquelle une large partie de la communauté universitaire est opposée.
Au demeurant, l’article 45 de la Constitution vous ouvre la possibilité de revenir sur le texte adopté par la commission mixte paritaire par le biais d’amendements. La FSU vous engage à utiliser cette procédure et à solliciter l’accord du gouvernement pour revenir sur les modifications introduites par le Sénat évoquées plus haut.
Les organisations de la FSU pour l'ESR regrettent que, pour un texte de cette importance, le gouvernement ait eu recours à une procédure parlementaire accélérée, qui plus est dans un contexte de crise où les universitaires et les chercheurs sont largement mobilisés pour assurer la continuité de leurs missions de service public.
Nous vous remercions de l’attention que vous voudrez bien porter à ce courrier et nous restons à votre disposition si vous souhaitez avoir des informations complémentaires.
Nous vous prions d’agréer, Madame la Députée, Monsieur le Député, l’assurance de nos salutations distinguées.
Anne Roger et Christophe Voilliot, co-secrétaires généraux du SNESUP-FSU
Philippe Aubry, secrétaire général adjoint
Patrick Monfort, secrétaire général du SNCS-FSU
Bruno Leveder, secrétaire général du SNASUB-FSU
Benoit Hubert, secrétaire général du SNEP-FSU