Quelles sont les raisons de ce choix du numérique à Grenoble ? Nous évoquerons cinq hypothèses :

1. Les enseignants de l’UFR STAPS de Grenoble ont une meilleure connaissance des avantages du numérique,

2. Les enseignants de l’UFR STAPS de Grenoble ont une sensibilité plus grande au désarroi des étudiants qui ne seraient pas tirés au sort,

3. Les enseignants de l’UFR STAPS de Grenoble sont dans un contexte plus favorable à la perception des avantages offerts par la transmission pédagogique utilisant le numérique.

4. Les enseignants de l’UFR STAPS de Grenoble sont moins exigeants vis à vis des apprentissages ou de la qualité des évaluations.

5. Les enseignants de l’UFR STAPS de Grenoble sont plus épuisés que les autres par les cours en amphithéâtre et les corrections en L1.

Première hypothèse : les enseignants de l’UFR STAPS de Grenoble utilisent et maîtrisent mieux toutes les possibilités du numérique, à savoir faire des documents sous traitement de texte, faire des calculs et des statistiques sur les tableurs de feuille de calcul, réaliser des diaporamas sur les logiciels de présentation édités, utiliser les plateformes de dépôt de rangement de documents, faire des tutoriels, se mettre en relation par les réseaux sociaux. Qu’est-ce qui nous permet de prétendre cela ? Rien. Avant 2014, nous ne faisions à Grenoble rien qui nous distingue particulièrement des autres UFR.

Deuxième hypothèse : les enseignants de Grenoble ont une sensibilité plus grande au désarroi des étudiants qui ne seraient pas tirés au sort. Il est vrai qu’il est difficile à chacun de penser qu’il pourrait prendre la décision d’une limitation d’accueil, par l’utilisation du tirage au sort, tant cela semble inique, de laisser sur le côté des étudiants très motivés et d’en prendre qui le sont bien moins, de rejeter certains qui se préparent depuis longtemps pour d’autres qui font un choix par défaut. Il est difficile de supposer que les enseignants des autres UFR ont fait de gaité de cœur ce choix. Ils devaient croire ne pas avoir d’autres possibilités, ou bien ils devaient être moins bien informés, moins bien sensibilisés aux avantages des enseignements numériques.

Troisième hypothèse : les enseignants de Grenoble sont dans un contexte politique plus favorable à la perception des possibilités de transmission pédagogique par le numériquece qui explique le passage au numérique en STAPS de Grenoble. Il existe à Grenoble quelques personnalités dont l’intérêt est très marqué pour la pédagogie par le numérique et dont le rôle de leader, le statut, la fonction jouent sans doute un rôle déterminant dans l’installation de l’enseignement numérique :

  • Patrick Levy, président de l’UJF en 2014, est depuis le 7 novembre 2012, le président de l'Université numérique francophone des sciences de la santé et du sport (UNF3S), actuellement il est président de la COMUE Grenoble Alpes.
  • Isabelle Olivier, directrice de l’UFR STAPS de 2010 à 2011, est tour à tour Vice-présidente Numérique et Innovations pédagogiques à l’UJF de 2011 à 2013, puis à la Commue de Grenoble depuis 2014.
  • Henri Benoit, directeur de l’UFR STAPS de 2013 à 2016, est totalement impliqué dans la transmission numérique (1). Actuellement Vice-président en charge du Système d'Information de l’UGA, il a été élu en 2016 au conseil d’administration de l’Université numérique francophone des sciences de la santé et du sport (UNF3S), où il assume également les fonctions de directeur de discipline en "sciences du sport". C’est sous sa direction que se met en place l’enseignement numérique en 2014.

Ce contexte a-t-il favorisé la réflexion sur les possibilités de l’enseignement par le numérique ? Quels types d’informations les enseignants de Grenoble ont-ils reçu de leur administration dans les mois, les semaines précédant les prises de décisions sur le passage à l’enseignement numérique ? Les enseignants ont-ils reçu des informations précises et des formations sur l’intérêt des MOOCs ? Ont-ils été invités à s’inscrire et participer à des MOOCs ?

Non. Or notons qu’en avril 2014, au moment où se préparent les prises de décision pour passer à l’enseignement numérique, il est possible de suivre un MOOC sur « FUN » (France Université Numérique) intitulé « enseigner et former avec le numérique » (2) . Si cette information avait été donnée elle aurait permis aux enseignants néophytes de s’initier à diverses formes de transmission numérique et notamment de s’informer sur la pédagogie inversée.

Par contre, il leur a été présenté (3) la mise en place de la pédagogie numérique en PACES (4) (Première Année Commune aux Etudes de Santé, médecine, dentaire, sage-femme et pharmacie), qui a satisfait la plupart des enseignants et des étudiants du dispositif. Avant le passage au numérique (cours sur DVD), il était très difficile en PACES de suivre les cours en amphi tant il y avait du bruit, surtout pour les primo-entrants gênés par les redoublants. Cette innovation témoigne qu’on peut apprendre autrement qu’en présence de l’enseignant et qu’il est bénéfique de reprendre ce qui a n’a pas été compris dans des TD de régulation… Personne ne doute qu’il soit possible d’apprendre en absence d’un enseignant. Il existait des livres et maintenant des vidéos, il y a des conférences accessibles à tous (les cours du collège de France), il y a l’enseignement à distance (CNED), les bibliothèques et internet sont des mines de connaissances... à qui sait creuser. Rappelons que le but de PACES est de répartir les candidats entre différentes voies, selon leurs places, et que le but de l’université, jusqu’à présent, n’est pas d’opérer une sélection, mais d’aider tous les étudiants à réussir malgré une très grande diversité. Notons que la motivation animant la préparation d’un concours est différente de celle propre aux études non sélectives sanctionnées par des examens et que donc les sacrifices consentis dans ces deux formes de parcours diffèrent grandement, surtout quand les buts poursuivis restent très flous, ce qui est le cas pour bon nombre d’étudiants en première année universitaire (en STAPS comme ailleurs). A la fin de son exposé, Monsieur Christophe Ribuot (5), notre intervenant, nous a signalé que les étudiants de deuxième année de médecine ne souhaitaient pas avoir une nouvelle année avec des cours numériques et préféraient reprendre les cours en amphithéâtre avec un enseignant présent et réel.

Voulait-il nous dire que la pédagogie numérique qui allait se mettre en place était un mal nécessaire car nous manquions de moyens ? Mais qu’évidemment dès que ceux-ci seraient trouvés alors nous reviendrions aux rapports d’humain à humain en chair et en os ? 

Une deuxième intervention dans la même réunion d’information s’est penchée sur l’enseignement inversé en master avec des groupes réduits. Nous avons vu des étudiants intéressés, discutant avec entrain à partir d’un cours déjà travaillé à la maison, nous avons vu l’intérêt des boitiers de vote. Nous n’avons pas eu d’exposé sur la classe inversée, telle qu’elle se pratique en primaire ou secondaire, sinon nous aurions appris qu’on parle de classe inversée, de pédagogie inversée quand les apprentissages de connaissances se font à la maison et qu’en classe les élèves font des exercices à partir de ce qu’ils ont appris chez eux ou interrogent leurs enseignants sur ce qu’ils n’ont pas compris. Ici, l'enseignant les reprend, leur propose des exercices et ne multiplie pas les évaluations certificatives. Nous aurions appris que le nombre d’heures en présence du professeur des écoles, des collèges ou des lycées n’est pas diminué, que l’engagement des enseignants est important, voire très important et que donc la mise en place repose sur le volontariat. Nous aurions appris que les périodes de classe « normale » pouvaient alterner avec les périodes de classe « inversée », qu’il n’y avait pas de crédo, mais qu’on expérimentait avec précaution. Nous aurions alors été plus attentifs aux appellations de « amphis inversés » ou « classe inversée » en STAPS à Grenoble, car ici le nombre d’heures en présence a été diminué (6), l’engagement des enseignants n’est pas volontaire pour tous, et les évaluations certificatives (CCF) ont une très grande place (7); on se demande même si le temps essentiel ne devient pas celui de l’évaluation plutôt que celui de l’enseignement, enseigner non plus pour favoriser les apprentissages, mais pour préparer aux évaluations. Nous pensons, évidemment, que les personnes franchement motivées par l’enseignement numérique peuvent être à l’initiative d’innovations intéressantes afin, par exemple, d’aider les élèves ou étudiants dont la présence en cours est difficile, ou bien de permettre aux étudiants de réentendre un cours intéressant, dont un élément leur a échappé (nous connaissons tous la satisfaction de pouvoir réécouter une émission de radio en podcast). Nous ne nierons pas l’intérêt de pouvoir déposer ses diaporamas, de faire des screencasts, même si les cours se font en présence réelle. Mais le dispositif enseignement numérique mis en place à Grenoble ne relève pas d’une telle initiative. Il s’agit d’une décision qui modifie non seulement le mode de transmission des connaissances (les CM), mais également le nombre et la qualité des TD et des évaluations, ce qui n’est pas sans conséquences.

Il s’agit d’une décision, il faut le rappeler, plaçant les enseignants dans un dilemme impossible « la pédagogie numérique ou la limitation d’accueil ».

4. Quatrième hypothèse : les enseignants de l’UFR STAPS de Grenoble sont moins exigeants vis à vis des apprentissages ou de la qualité des évaluations. Voici une affirmation bien difficile à soutenir. Elle sent la provocation. Qu’appelle-t-on "exigences vis à vis des apprentissages" ? Nous aurions diminué la quantité de choses à apprendre ? Nous aurions baissé la difficulté des choses à apprendre ? D’où peuvent venir ces idées ? Peut-être que dans certaines matières progressivement au fil des changements de maquette la quantité avait été augmentée incidemment et devenait excessive ? Peut-être que certaines parties de cours n’étaient pas cohérentes avec d’autres, rendant la compréhension de l’ensemble difficile ? Peut-être qu'un toilettage était nécessaire et qu'il s'est produit au moment du passage au numérique ? Mais peut être aussi que, compte tenu de la baisse du nombre de TD (qui reprennent et approfondissent les CM), accompagnant le passage au numérique, cette diminution quantitative était obligatoire, nécessaire ? Qu’appelle-t-on exigences vis à vis de l’évaluation ? Allons-y franchement : la capacité à réfléchir, construire une argumentation ne se fait pas en répondant à des QCM. Et nous revenons aux apprentissages. S’il s’agit de comprendre, si les contenus d’apprentissage visent la compréhension, il est nécessaire de construire et de rédiger une démonstration, une argumentation qui requiert le passage à l’écriture ou l’explication orale. Or, contrairement à ce qui est affirmé ici ou là, un grand nombre d’évaluations portent sur des QCM ou des modalités très courtes peu propices à la réflexion, dans tous les CCF (Contrôle en Cours de Formation) de toutes les UE scientifiques mais également dans des CT (Contrôles Terminaux) de certaines UE.

5. Cinquième hypothèse : Les enseignants de l’UFR STAPS de Grenoble sont plus épuisés que les autres enseignants des autres UFR STAPS, par les cours en amphithéâtre et les corrections en L1. Pour les cours en amphi, bien sûr nous plaisantons. Ils ne sont pas plus épuisés que les enseignants des autres UFR STAPS. Il faudrait pour cela un contexte très particulier, des amphis particulièrement sonores ou mal commodes (peu éclairés, mal chauffés, trop en pente, où il est difficile de circuler). Nous pouvons dire au moins à coup sûr : « pour les enseignants de l’UFR STAPS de Grenoble il n’est pas toujours facile de faire des cours en amphis ». Les étudiants de première année ne sont-ils plus ce qu’ils étaient ? Plus bruyants, moins disciplinés, moins concentrés, plus sollicités par leur portable... Alors, la proposition d’un passage au numérique représenterait une alternative à la difficulté des cours en amphi ? Pour les corrections en L1, nous plaisantons encore. Les enseignants de Grenoble ne sont pas plus en difficulté que dans les autres universités… ils le sont autant. A moins qu’à Grenoble on ait davantage suivi les injonctions à évaluer plus, pour davantage soutenir les efforts des étudiants. Alors quand il est proposé aux enseignants grenoblois un paquet groupé « cours et corrections numériques » peut-être sont-ils incités à s’en saisir ?

Reprenons nos cinq hypothèses et l’essentiel de nos réponses :

1. Les enseignants de l’UFR STAPS de Grenoble ont une meilleure connaissance des procédés offerts par le numérique : nous avons répondu « NON ».

2. Les enseignants de l’UFR STAPS de Grenoble ont une sensibilité plus grande au désarroi des étudiants qui ne seraient pas tirés au sort : nous avons répondu « NON ».

3. Les enseignants de l’UFR STAPS de Grenoble sont dans un contexte plus « favorable » à la perception des possibilités de transmission par le numérique.

Les enseignants de Grenoble ne connaissaient pas au moment des prises de décision les possibilités réelles de transmission par le numérique, mais il leur a été expliqué qu’il serait possible d’accueillir tous les étudiants, il leur a été dit qu’il n’y aurait pas de pertes sensibles de cours en présence réelle, notamment par le jeu des TP de soutien.

Ce sont des heures de TP proposés aux étudiants volontaires en plus des TD de régulation.

Or il était prévisible que ces heures de soutien ne recueillent pas l’adhésion de la plupart des étudiants qui en avaient besoin. Et quand nous avons soutenu cela (8) il nous a été répondu qu’on ne pouvait pas faire travailler les étudiants qui ne le souhaitaient pas, qu’il nous revenait de leur proposer des heures de soutien et que la balle était dans leur camp. Et ceux-là même qui avançaient ces arguments étaient les mêmes qui affirmaient qu’il fallait plus d’évaluation pour soutenir le travail des étudiants ! Quelle logique ? De plus, notons que l’UFR n’aurait jamais pu répondre à la demande des étudiants s’ils avaient voulu profiter de ces heures de soutien, par manque de disponibilité des enseignants ou des salles. On peut penser que les enseignants croient plus facilement ce qui leur est dit sur les possibilités du numérique quand ils sont très réticents à l’idée d’une limitation d’accueil et quand ils sont sous pression de l’Autorité (9) qui insiste sur les multiples bénéfices de cette technologie (10). Si le but avait été de susciter l’intérêt pour la forme d’enseignement en « classe inversée », les procédures d’information et de prises de décision auraient été d’une toute autre nature et alors certains enseignants auraient probablement été tentés par cette innovation, d’autres non et d’autres encore se seraient tournés vers des innovations pédagogiques différentes, par exemple la pédagogie par résolution de problème. Nous répondrons que le contexte psychologique et institutionnel dans lequel les enseignants ont été placés a joué un rôle déterminant dans le passage aux enseignements numériques : ils n’ont pas vraiment eu le choix.

4. Les enseignants de l’UFR STAPS de Grenoble sont moins exigeants vis à vis des apprentissages ou de la qualité des évaluations.

Nous sommes bien gênés pour répondre oui ou non sur les apprentissages, mais quant à l’évaluation il n’y a pas de doute, de fait, il y a des compétences qui ne s’évaluent pas par QCM.

5. Les enseignants de l’UFR STAPS de Grenoble sont plus épuisés que les autres par les cours en amphithéâtre et les corrections en L1.

Sans doute le passage au numérique représente pour certains enseignants un soulagement. Il serait quand même opportun d’étudier de près si les changements de comportement des nouvelles générations imposent l’abandon des CM en amphithéâtre ou si la possibilité de faire autrement maintenant, permet aux enseignants d’aujourd’hui de se passer d’une difficulté qui a toujours existé. Mais le jour où nous disons : « non je ne peux plus faire cours en amphi », en général nous ajoutons : « ils ont trop changé, le contexte a trop changé » et non « j’ai changé, je n’ai plus la forme, la force, la patience... et donc le plaisir de parler aux masses ».

Exposons à présent les conséquences du passage au numérique et des conditions de ce passage.

  • Des moments de fortes tensions entre une direction voulant faire passer coûte que coûte l’enseignement numérique et tous ses avantages et des enseignants les discutant (reprenant les points évoqués ci-dessus). Des moments de tensions entre enseignants réservés, très réservés et ceux qui accompagnent ou suivent plus ardemment leur direction. De fortes tensions tout à fait évitables, si les points de vue contradictoires avaient pu être entendus et exposés, ce qui pour l’instant est pratiquement exclu (11).
  • La baisse des rapports en présence réelle entre étudiants et enseignants (plus de la moitié pour la plupart des matières scientifiques, de 30h à 12h / semaine) et un suivi des cours de soutien très faible (7% seulement des étudiants). Donc les étudiants qui en ont besoin ne suivent pas les cours qui pourraient leur être utiles. La pédagogie à distance (en L1 à Grenoble) n’est pas un moyen de mobiliser les étudiants. Mettons-nous les moyens pour cela ?
  • Une vive inquiétude sur la forme des évaluations et donc sur la nature des apprentissages.
  • Alors qu’initialement le passage au numérique devait se faire sur la base du volontariat, celui-ci est devenu obligatoire. Il reste à l’enseignant ne souhaitant pas adopter le numérique la possibilité d'arrêter l'enseignement qui était le sien auparavant, de démissionner en quelque sorte. C’est sans doute la première fois, pour bon nombre d’entre nous, qu’il nous est imposé la manière d’enseigner. Notons que le sentiment de liberté varie grandement en fonction des sensibilités et des avantages procurés par le numérique : abandon des cours en amphis, correction presque éliminée, diminution importante du nombre d’heures en L1…
  • Pour encourager le passage au numérique dans les enseignements de technologie sportive, il est proposé aux enseignants passant leur CM en numérique un bonus en heures TP : ils peuvent faire 2 heures de plus en TP. Qu’est-ce qui fonde cette prime TP ? Remercie-t-on ainsi l’enseignant de libérer des heures d’utilisation des salles et de diminuer le coût des heures d’enseignement ? Est-ce une manière d’encourager le volontariat ?
  • Ce dispositif était prévu au départ pour la L1 avec la promesse de valoriser le travail en plus petits groupes en L2 et L3. Mais comme le nombre d’étudiants croît également dans ces années-là, cette promesse ne peut être tenue et nous assisterons sans doute, à une pression très forte sur les enseignants pour qu’ils passent au numérique, ici aussi, pour une fois encore faire face à l’impossibilité d’encadrer normalement les étudiants.
  • Nous craignons que le système des cours numérisés s’accompagne d’une plus grande difficulté à faire évoluer les contenus d’enseignements compte tenu du temps pour les réaliser.
  • Nous redoutons que progressivement les cours de L1 soient conçus par un seul groupe d’enseignants au niveau national et diffusé dans tous les UFR de France, l’enseignant local perdant ainsi la main sur les contenus et ceux-ci risquant de se rigidifier.
  • Un certain nombre de travaux insistent sur le temps considérable des jeunes générations accrochées à leur smartphone, de 4 à 6 heures par jour et signalent le danger de cette pratique pour la santé physique et psychique. Si s’ajoutent à ces 4, 6 heures de passe-temps, les 3 ou 4 heures par jour de travail des cours numériques sur écran, n’y a-t-il pas à s’inquiéter ?
  • Si les étudiants de L1 ne sont plus qu’une douzaine d’heures par semaine à l’université pour leurs cours qu’en est-il du rôle de socialisation de l’université ? Ces jeunes adultes ne doivent-ils pas encore être confrontés au travail dans un collectif, aux discussions de groupe, à la confrontation des idées et se constituer un nouveau tissu relationnel par les études et autour des études ? Notons que bon nombre d’étudiants dont le logement des parents est distant de 20, 30 km ou plus, ne prennent plus de chambre à Grenoble, car ils n’en n’ont plus besoin, restant très souvent à étudier chez eux... Cet isolement est-il bon pour une période de la vie dont on sait qu’elle est difficile ?

Pour conclure, que dire en quelques mots, de l’enseignement numérique à l’UFR STAPS de Grenoble et de sa présentation médiatique.

  • Il permet d’accueillir beaucoup de monde avec des moyens constants en locaux et personnels enseignants titulaires (postes) ; et même avec une diminution des coûts d’encadrement.
  • Il offre la possibilité de développer une ingénierie numérique autorisant des représentations spatiales en trois dimensions, des animations, des cours vivants malgré l’absence d’acteurs présents. Mais dans la plupart de ces cours numériques on voit uniquement un diaporama et on entend un enseignant lisant, avec plus ou moins de talent, ce qui est inscrit sur celui-ci. D’autre part cette technologie peut être très coûteuse, non pas dans la confection des cours, mais dans l'achat du matériel : chaises roulantes, écrans, studio d’enregistrement vidéo, bientôt un ingénieur pédagogique… Quel est le montant de ces dépenses ? Trois cent mille, cinq cent mille euros, bien plus ?
  • Il n’applique pas le principe de base des classes inversées : suivre les étudiants face à leurs difficultés de compréhension et leur permettre d’utiliser au mieux ce qu’ils ont appris, en libérant le temps d’apport des connaissances des enseignants, pour une aide plus personnalisée.
  • Il n’applique pas le principe de base de la classe inversée car pour cela, il ne faut pas réduire les moyens accordés au travail de l’enseignant au contact, en présence de l’étudiant.
  • Il n’intègre pas l’utilisation des moyens nouveaux, (le numérique notamment), dans ces principes de base des classes inversées, il met en avant ces moyens et les utilise à des fins de réduction des coûts, de publicité et d’affichage de modernité pédagogique et technologique.

Il est tout de même très fâcheux de faire croire qu’à Grenoble en STAPS en L1, avec moins de moyens humains nous faisons aussi bien, voire mieux, et que nous ayons trouvé la solution au problème du nombre. Il serait plus soucieux de la vérité d’exposer que :

  • nous sommes en difficulté pour défendre la qualité de nos apprentissages, que sans doute il y a une perte quant aux compétences formées en L1 et que nous devrons compenser en L2, L3, celle-ci, ce qui semble très difficile, voire impossible,
  • le taux de réussite légèrement croissant en L1 se fait sans doute à ce prix et qu’il est toujours faible,
  • nous nous interrogeons sur la faible participation de nos étudiants au cours de soutien (7% ),
  • nous observons que les cours numériques n’ont pas fait croitre sensiblement la motivation des étudiants.

Il serait plus soucieux de la vérité d’exposer les difficultés rencontrées et les interrogations que soulèvent les changements opérés par l’enseignement numérique (cf. l’ensemble de nos remarques). Donc, nos propos ne visent pas à nous déterminer en tant que « pour ou contre » l’enseignement numérique, mais demandent plutôt :

  • que soit étudié avec sérieux, avec des outils d’évaluation rigoureux, dans quelles conditions les nouvelles technologies peuvent aider les enseignants à faire leur travail plus efficacement,
  • de proposer aux volontaires de se former à ces nouvelles manières de faire et
  • de laisser l’opportunité à d’autres d’emprunter des voies d’enseignement différentes visant une meilleure qualité d’apprentissage et de formation.

Notons que dans l’enseignement primaire et secondaire on avance, jusqu’à présent, avec prudence et circonspection sur l’utilisation des nouvelles technologies et les modifications pédagogiques qui les accompagnent.

(1) H. Benoit met en place actuellement une Licence STAPS numérique inter-universitaire pour publics empêchés.

(2) Dans une des premières intervention de ce MOOC on nous incitait à faire attention aux modes pédagogiques, plus ou moins éphémères…

(3) Dans une ½ journée de présentation de la pédagogie numérique

(4) https://inspire-orientation.org/piste/paces-la-premiere-annee-commune-au...(medecine-pharmacie-odontologie-maieutique). La présentation parle d’un enseignement en présentiel qui reste le modèle le plus répandu encore semble-t-il.

(5) Doyen de la faculté de Pharmacie d'avril 2011 à 2017, Vice-président en charge des Ressources Humaines depuis 2017, impliqué dans l’enseignement numérique de PACES.

(6) De 50 à 70%

(7) Le nombre de CCF a le plus souvent triplé.

(8) Car nous nous rappelions du plan « Réussite licence » et de ses cours de soutien peu suivis ou mal suivis (peu d’entrain ou de travail de la part des étudiants).

(9) L’autorité : les différentes personnalités qui sont intervenues et leurs différents statuts.

(10) La pression de la limitation d’accueil représente en quelque sorte l’occasion de lancer l’enseignement numérique pour tous, et de tester les procédures à suivre ou éviter.

(11) D’où l’écriture de ce texte en contrepoint des multiples informations très partielles dans les différents médias qui pourrait faire croire qu’une méthode miracle a été trouvée à Grenoble.