Publié le : 13/12/2017

 

Le projet de loi sur l’orientation et la réussite des étudiants représente un leurre par sa formulation faussement ambitieuse et méliorative, d’autant plus grave qu’il fait abstraction de l’austérité budgétaire imposée aux établissements de l’ESR qui doivent faire face à l’afflux des étudiants. Cette situation condamne les établissements à se dévorer eux-mêmes, et incidemment, à s’entre-dévorer. Les inégalités territoriales sont déjà en place, inscrites dans l’espace universitaire, et favorisent subrepticement le développement d’un sixième sens chez les étudiants les mieux dotés : le « sens du placement », selon les termes d’une contributrice de ce dossier.

Le plan de Frédérique Vidal est présenté comme une réponse à un défi majeur, celui de la massification de l’enseignement supérieur, mais c’est oublier que ce défi s’inscrit dans la longue durée des politiques éducatives qui ont favorisé l’élévation des aspirations scolaires dans toutes les couches de la société.

Le défaut d’anticipation de la technostructure et l’absence de « pilotage » de l’ESR apparaissent flagrants au regard de cette dynamique historique et sociologique.

De ce point de vue, ce dossier montre que ce plan est globalement régressif et gomme un peu vite la responsabilité de ceux qui ont engendré le problème des « filières en tension » par des choix politiques de sous-dotation et de pénurie, à contre-courant des besoins exponentiels de formation et de qualification. Il est plus facile d’incriminer le logiciel APB que de dénoncer la cécité qui a présidé aux choix stratégiques pour l’ESR depuis 2007.

Les questions essentielles que ce plan se garde bien d’aborder en se donnant un angle technocratique de « gestion des flux » dans un monde fictif où la baguette magique de l’information serait la remédiation toute-puissante, sont au contraire soulevées par nos contributeurs : quel service public de l’enseignement supérieur voulons-nous ? Comment faire réussir les étudiants sans céder sur les exigences académiques dont les universités sont les garantes ? Comment aider les plus fragiles ? Ce projet de loi porte en lui la « démocratisation de l’échec » en lieu et place de la nécessaire démocratisation de l’accès à l’enseignement supérieur.