« La sélection n’est pas la solution » - Intervention d’Hervé Christofol, secrétaire général du SNESUP-FSU au meeting de l'ASES

Documents joints : 
Publié le : 22/01/2018

 

 

Merci à l’ASES pour cette initiative et cette invitation.

Nous devons aider nos concitoyens à résister à la stratégie du choc imposée par le gouvernement : dès le 27 juin, soit à peine deux mois après sa prise de fonction, la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, Frédérique Vidal déclarait sur RTL : « Le système d'admission post-bac (APB) est engorgé et à bout de souffle ». Dans son discours de politique générale, Edouard Philippe affirme ensuite qu’ APB ne permet pas d’affecter correctement tou·e·s les titulaires du baccalauréat, qu’il recourt au tirage au sort, ce qui est inacceptable, et que les lycéen·ne·s sont mal orienté·e·s, ce qui finalement génère un taux d’échec en licence de 60% taux qui serait insupportable.
 

Rappelons quant à nous une autre réalité : notre système d’Enseignement Supérieur français est l’un des plus efficients au monde, alors que la France n’est que le 15ème pays de l’OCDE concernant la part de la richesse nationale consacrée à l’enseignement supérieur ; 80% des bacheliers et bachelières qui s’y inscrivent en sortent avec un diplôme !  C’est le meilleur taux de diplomation d’Europe et de toute l’OCDE.

Pour le gouvernement, le bouc émissaire était tout trouvé : l’algorythme APB.  Et, comme pour tout bon gouvernement libéral, la solution était elle aussi toute trouvée : non pas augmenter la dépense publique pour construire des universités et créer des places et mais au contraire aller encore plus loin dans l’instauration d’un marché de la connaissance avec la généralisation de la sélection.

Cette étape est finalement le 3ème acte d’un processus programmé :

  • le premier, imposé par le tandem Sarkozy- Pécresse concernait l’autonomie des établissements qui permet de les mettre en concurrence et de les laisser gérer la baisse du financement par étudiant·e,  (car depuis 2009 nous avons accueilli 280000 étudiant·e·s de plus, soit une hausse de 12% alors que le budget ne progressait que de 8% ;ainsi nous avons perdu 7000 agents dont 1000 EC et plus de 12000 postes de titulaires sont gelés dans les établissements)
  • le deuxième acte, concocté cette fois par le tandem Hollande-Fioraso renvoie aux regroupements des établissements pour les faire progresser dans les classements internationaux et aux « bidulex »  par le biais d’appels à projets augmentent les inégalités, cassent les collectifs ainsi que la démocratie universitaire ;
  • avec Macron-Vidal, nous sommes dans le troisième acte celui qui doit permettre à chaque établissement et chaque formation de choisir ses étudiants pour performer dans la compétition mondiale ;
  • le quatrième acte sera inéluctablement l’augmentation des fais d’inscription dont les conséquences sont bien rapportés dans le documentaire de « étudiant, l’avenir à crédit » et dans l’ouvrage « arrêtons les frais »  du collectif ACIDES. Si nous ne combattons pas la généralisation de la sélection, il sera mis en œuvre soit par ce gouvernement soit par le gouvernement libéral suivant.

Cette adoption du modèle anglo-saxon de marchandisation de l’éducation est revendiquée sans complexe par les professeurs Gary Bobo conseiller du candidat Emmanuel Macron et par Thierry Coulhon, actuel conseiller à l’Elysée du président Emmanuel Macron.

Si la ministre avait voulu résoudre le problème des 4 filières en tension et éviter le recours au tirage au sort qui a  impacté un peu moins de 40000 bacheliers et bachelières en 2017 soit  5% d’entre eux, elle aurait pu décider d’ouvrir plus de places comme elle s’y emploie trop modestement en STAPS en ce moment.

Elle a pourtant choisi de remplacer APB par ParcourSsup qui, avec les attendus, les critères de sélection et les 10 à 20 vœux non hiérarchisés, va générer 8 à 9 millions de vœux pour 670 000 places. La quasi totalité des 13000 formations de l’ES vont être en tension c’est à dire qu’elles vont avoir plus de vœux que de places définies par leurs capacités d’accueil et donc qu’elles vont pouvoir sélectionner. Cette sélection aura pour conséquence de construire une hiérarchie des établissements et d’exclure les bacheliers et bachelières qui n’auront pas brillé dans le secondaire ou qui auront précocement été orienté·e·s vers un baccalauréat non conforme à leurs ambitions. C’est-à-dire majoritairement les enfants des classes populaires. Finis les parcours non linéaires au cours desquels l’étudiant·e s’émancipe, se réoriente et trouve sa voie depuis un CAP jusqu'au doctorat ou depuis un BEP jusqu’à la magistrature…

Que les chercheur·e·s qui travaillent sur les algorithmes d’affectation expliquent qu’un algorithme national d’affectation différé tel que APB reste toujours plus optimal que des algorithmes de sélection locaux et que la plateforme de mise en relation ParcourSup sera beaucoup plus lente, stigmatisante et anxiogène pour affecter les places disponibles aux titulaires du baccalauréat, rien n’y fait. Le gouvernement persiste et signe.

Pour généraliser la sélection il faut mettre en tension toutes les formations et la plateforme ParcourSup avec neuf millions de vœux et moins de 670000 places devrait bien jouer ce rôle. Les services de prévisions ministérielles le reconnaissent mais les arguments politiques prennent le pas sur ceux des chercheur·e·s, des ingénieur·e·s et des technicien·ne·s.

En Angleterre où ce système d’affectation est utilisé, la procédure met 9 mois à converger pour affecter les étudiant·e·s. Mais cette procédure a également permis d’instituer la sélection et la hausse des frais d’inscription à plus de 9000£ l’année. Si nous adoptons ce système, c’est la prochaine étape que nous prépare ce gouvernement.

Cette réforme, et le projet de loi ORE pour l’accès au 1er cycle de l’enseignement supérieur qui est débattue actuellement au Sénat et ce probablement jusqu’en avril 2018,  est une réforme conservatrice, austéritaire, inégalitaire, anxiogène et bureaucratique et dont la mise en œuvre se fait dans l’illégalité.
 
Alors que nous devrions accueillir 200000 étudiant·e·s supplémentaires au cours des 5 prochaines années, le gouvernement choisit de sortir de ce défi par le bas, par la sélection et le sous-investissement dans l’enseignement supérieur et la recherche. Le SNESUP-FSU combat ce projet, en exige le retrait pour imposer au gouvernement de relever ce défi démographique par le haut, par un investissement massif dans l’ESR (+2G€/an) et la création de places dans les formations à la hauteur des besoins (80000).
 
Pour une Université ouverte, gratuite, laïque, formatrice et émancipatrice !
Ce n’est pas seulement une lutte corporative pour défendre nos conditions de travail c’est aussi et surtout un combat de société !
 
Pour y parvenir, le SNESUP-FSU appelle
-       à la tenue d’une première réunion d'une Coordination nationale de l’éducation, qui regroupe toutes nos organisations, le 27 janvier ;
-       à la construction des mobilisations locales en vue de la journée nationale de grève et d’action unitaire du jeudi 1er février 2018,
-       au soutien et à l’action conjointe avec les personnels du second degré les 6, 7 et 8 février 2018
 
La sélection n’est pas la solution,
c’est toutes et tous ensemble qu’il nous faut agir !