Comme à chaque rentrée, on entend les satisfecit des instances ministérielles quand il est question de la formation des enseignants et des ESPÉ. “Tout n’est pas parfait, mais cela va
dans le bon sens” ! Hélas, sur le terrain, la réalité est tout autre et les enjeux mêmes d’une réelle formation des enseignants, indissociablement universitaire et professionnelle, sont en passe d’être purement et simplement liquidés. Pourquoi ? Faute d’une véritable ambition politique quant à la conception du métier et de la formation qui se conjugue à l’austérité et qui se traduit très concrètement par des obstacles structurels et une carence de moyens.
Les effectifs sont en hausse mais pas des moyens / personnels / locaux :
• pénurie d'enseignants-chercheurs (cf. rapport Sénat), manque de formateurs d’une manière générale
• impact sur la formation : dans plusieurs ESPE, les PES n’auront qu’une seule visite de la part de leur formateur universitaire ; d’autres ESPE sont engagées dans une nouvelle diminution des maquettes (-20% à Bordeaux par exemple)
• impact sur les conditions de travail : faible reconnaissance dans les services des activités de suivi et direction de mémoire ; CM déclarés TD ; des maquettes qui prévoient des heures sans formateurs
• encouragement aux heures supplémentaires et aux vacations, comme si le travail de direction de mémoire ou l’activité de conseil en visite de stage pouvait s’improviser pour n’importe quel enseignant pioché “sur le terrain”…
• la spécificité des différents publics n’est pas prise en compte : les parcours adaptés ne sont pas prêts, pas de moyens spécifiques, pas de maquette quelquefois
Il ne s'agit pas d'un mauvais moment à passer en attendant le retour à la normale, de difficultés temporaires qui seraient dues à la seule augmentation passagère des effectifs mais
d'un problème structurel, que le Snesup avait dès le départ identifié.
Le stage est pensé d’après les besoins du terrain, pas dans l’objectif d’une formation :
• stagiaires PLC affectés pour leur stage M2 dans une autre académie ou dans la même académie mais loin de l’ESPE
• minoration dans la formation de tout ce qui n’est pas directement en lien avec l’exploitation de stage, au sens très étroit du terme - notamment la recherche, les enseignements théoriques et didactiques
• une formation calée sur le stage, donc qui ne peut pas former au métier puisque le stage est déterminé par les besoins d’enseignants dans l’académie et non par des
objectifs de formation : les PES ne sont pas préparés à la dimension polyvalente du métier
La multiplication des problèmes administratifs et de gestion, entretenus par un savant va-et-vient ministériel entre cadrage de la réforme et autonomie des universités :
• réduction, parfois drastique, de locaux de formation dans plusieurs ESPÉ (Nantes, Nice, Amiens, etc.) ;
• importants retard dans le remboursement des frais de déplacement ;
• étudiants non admis au concours en fin de M1 refusés en M2 et incités à s’inscrire à un module de repréparation au concours payant (environ 170 €, Aix-Marseille) ou bien à suivre un DU (2000 €, Lyon) ;
• destabilisation des équipes par des effets de concurrence interne ou la mise en cause par le rectorat des compétences des collègues universitaires (afin de “placer” les Formateurs Académiques dans la formation ?)
• des personnels peu entendus, minoritaires dans les instances, démobilisés - qui assistent à la négation de la dimension universitaire de la formation, toujours minorée dans ses dimensions disciplinaire, didactique et de recherche.
L’illusion de l’apprentissage comme solution à la crise du recrutement
• une rémunération pour des M1 “apprentis”-“alternants” inférieure à celle qui serait proposée pour des contractuels L2
• une organisation impossible sur le terrain, des moyens humains notoirement insuffisants pour assurer la formation et le suivi (Créteil), ce qui amène à réduire le suivi des fonctionnaires stagiaires M2 pour pouvoir mettre en place celui des M1 !
• une mise en stage ⅓ temps qui s’accompagne (encore !) d’un allégement de la formation à l’ESPE. Le message est clair : pour le ministère, il y a encore trop de formation !
• Un projet d'apprentissage en L2-L3 (remplacement des ex-EAP) qui ne tire aucune leçon des échecs pécédents
Et pourtant, le ministère claironne, imperturbable, que, mises à part quelques difficultés sporadiques et résiduelles, ici ou là, tout va bien, le bilan est globalement positif et les ÉSPÉ sont toujours de beaux verres. Malheureusement, la réalité est têtue ! Les premiers retours que nous avons indiquent au contraire et clairement que la situation est très alarmante.
En l’état actuel des choses, cette formation présente de graves insuffisances, à la fois sur le versant “adossement à la recherche” de la formation et sur le versant “terrain/stages”. Ces deux dimensions complémentaires de l'alternance, telle qu’elle est organisée aujourd’hui, ne peuvent être mises en oeuvre, en raison des diminutions horaires des maquettes, des parcours bricolés, d’une recherche fantôme, des heures sans formateurs, et du suivi réduit des stagiaires – avec la confusion imposée entre stage de master et moyens d'enseignement. Cela disqualifie de fait les masters professionnalisants MEEF.
Voir le bilan ESPE, an 2, du collectif FDE du Snesup (lien à faire)