La formation des enseignants en Languedoc-Roussillon : fusion, dispersion des missions et confusion des acteurs

Publié le : 13/04/2017

 

Par Isabelle Aliaga,
Faculté d’Education de l'université de Montpellier

 

La situation de l’ESPE de Montpellier et de la Formation des Enseignants est issue d’une histoire très singulière. En 2008, les personnels et les moyens de l'ancien IUFM de l’Académie de Montpellier, pour l’essentiel, avaient été reversés dans l’Université des sciences et technologies Montpellier 2. Puis, cette UM2 a été elle-même reversée en 2015, dans une nouvelle université nommée Université de Montpellier, qui comme son nom ne l’indique pas, n’est pas la seule de la région...

Traditionnellement Montpellier possédait trois universités :

  • Montpellier 1 : droit, médecine, pharmacie et autres facultés historiques de la ville, parmi les plus anciennes en Europe, apparues dès le Xème siècle.
  • Montpellier 2 : pôle scientifique essentiel, beaucoup plus récent et extrêmement actif (IUT, faculté des sciences, école d’ingénieurs, organismes divers de recherche etc...)
  • Montpellier 3 : Lettres et sciences humaines

A cela s’ajoutait aussi, deux autres universités pluridisciplinaires récentes hors de la métropole, à Nîmes et à Perpignan.
La formation des enseignants a donc été inscrite dans ce contexte complexe et très peu confortable de 5 universités en désaccord sur une fusion... Lors de la Masterisation, des responsables du Ministère avaient même argumenté que cela faisait de l’ESPE régionale Languedoc- Roussillon (1) « un modèle original ». Nous contestions ce modèle depuis la FSU et le temps nous aura malheureusement donné raison...

L'ESPE comme structure académique est demeurée dans l'inter-universitaire, au contraire de la Faculté d’Education, mais sans moyens véritables, un peu dans la position de l'ONU, et surtout toujours soumise aux aléas des universités entre elles et des universités avec le Rectorat... Pas simple de gérer désormais une formation répartie dans les 4 universités pour ce qui est du second degré et concentrée à la Faculté d’Education pour ce qui est des PLP, CPE et premier degré...mais aussi de l’ensemble des enseignements didactiques, pédagogiques et de tronc commun de tous les Masters ... Ce contexte justifie à ce jour que notre direction de l’Université réclame que l’ESPE soit inscrite dans l’Université de Montpellier, ce à quoi les autres universités ainsi que le Rectorat se refusent bien-sûr ...

Des enseignants en temps partagés interviennent donc à la Faculté d’Education et malheureusement, leurs missions y sont assez mal définies. Par exemple, les Maîtres Formateurs, les Formateurs académiques du second degré ou même les professeurs de documentation de la propre faculté n’ont aucune existence statutaire réelle dans le Supérieur. Il s’ensuit des difficultés pour définir leurs tâches, leurs services et leurs missions... Peuvent-ils ou non encadrer des mémoires ? Avec quelle caution universitaire ?

Les anciens PRAGS et PRCE continuent à intervenir au gré des besoins comme toujours mais dans une structure universitaire où a priori, ils ne sont plus légitimes...

Les enseignants-chercheurs qui sont toujours peu nombreux continuent à porter leurs missions notamment au travers d’un laboratoire de recherche sur tous les objets didactiques et pédagogiques de nos métiers qui s’appelle le LIRDEF.

Le vrai problème demeure que les équipes pluri catégorielles tant réclamées par la FSU sont en panne avec des enseignants-chercheurs trop peu nombreux et des personnels du premier et second degré ramenés à des variables d'ajustement pour dispenser nombre de cours disciplinaires, dans les Masters premier degré notamment, et non pour transmettre leurs savoir-faire professionnels au mépris de tout ce qui avait été construit et demandé par la FSU autour des équipes pluri catégorielles. Ils sont devenus malgré eux, les O.S. de l’Université où le personnel légitime est forcément Enseignant-Chercheur. Or, cela ne joue pas en faveur d’une meilleure image de notre métier...

Cela crée évidemment aussi des tensions sur les demandes de postes et des difficultés diverses.

Les équipes pluri catégorielles sont-elle vouées à ne pas exister l’université faute de statuts adaptés ? Quelle part peut-on donner aux professionnels dans tous ces Masters ?

Le modèle choisi, il y a quelques années pour la formation des enseignants avait renoncé au modèle école d’ingénieurs comme à celui des IUFM pour laisser ce dossier dépendre de la bonne entente des universités entre elles... Etait-ce bien raisonnable ? La formation des enseignants peut-elle vraiment se fondre dans toutes les règles et principes universitaires ? Ne présente-t-elle pas quelques spécificités ?

En toute logique, les enseignants-chercheurs devraient avec les différents professionnels de nos métiers proposer des enseignements complémentaires et articulés. Inscrire la formation des enseignants à l’université était une excellente chose mais cela ne devait sans doute pas se faire au détriment de l’action des professionnels et le modèle actuel purement universitaire par delà les aléas de la fusion et des batailles de budgets et de chiffres, pour savoir qui paie et qui commande quoi, ne propose pas au fond un véritable modèle de formation, équilibré et fonctionnel où se rejoindraient des enseignants-chercheurs avec tous les autres professionnels sur la mission unique de formation des enseignants.

L’ESPE demeure surtout un champ de négociations et de batailles, sans moyens véritables où s’affrontent Rectorat, universités entre elles et Faculté d’Education (qui conserve les anciens moyens de l’IUFM). Nous avons donc souvent, malgré nous, l’impression de servir juste d’objet à la guerre de la fusion...

 

(1) C’était avant la fusion la fusion Languedoc-Roussillon/ Midi Pyrénnées.