Article paru dans sa version courte dans le mensuel n° 667 - Septembre 2018
Jeune collègue : tu crois avoir été recruté, pas si vite !
Par Marie-Jo Bellosta, secrétaire nationale, et Michel Carpentier, secteur Situation du personnel
La titularisation des maîtres de conférences stagiaires n’est plus une simple formalité. Ainsi, le secteur Situation du personnel a été alerté sur quatre dossiers de titularisation entre mai et juillet et a accompagné les collègues dans leurs démarches.
Quatre maîtres de conférences ont eu recours au secteur SDP entre mai et juillet pour l’élaboration de leur dossier de titularisation.
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Stagiaire avec plusieurs années d’expérience en tant que PRCE, elle/il a reçu de son directeur de recherche une demande de rapport d’activités puis de transmission de « draft » sur ses travaux en cours avec la remarque qu’elle/il n’avait pas eu de publication durant son année de stage. Etaient oubliés les collaborations avec des équipes nationales et internationales, l’encadrement d’un jeune doctorant, l’organisation d’un colloque et l’avis très favorable de la directrice de son UFR. Après une très forte mobilisation en local, une lettre accompagnée d’attestations, le CAC a donné un avis favorable à sa titularisation.
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Stagiaire nouvellement affecté.e dans l’établissement, elle/il a eu connaissance quinze jours avant le CAC de trois avis : un avis favorable de sa responsable de formation de collège, et deux avis défavorables concernant son activité de recherche sous le motif qu’il n’y avait pas eu acceptation des deux articles actuellement soumis à des revues, et qualifiant sa production scientifique d’extrêmement faible. Outre la remise en cause du choix du comité de sélection, étaient oubliées : son activité éditoriale, son implication dans la rédaction d’un projet ANR, et ses collaborations internationales. Là aussi, suite à la mobilisation de la section et des collègues, aux observations envoyées au directeur, aux VP et président, le CAC a donné un avis favorable à l’unanimité à sa titularisation.
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Stagiaire nouvellement affecté.e dans son établissement et devant effectuer ses recherche sur un autre site, elle/il a reçu un avis très favorable sur son activité d’enseignement, cependant début juillet, elle/il est averti.e de l’avis défavorable du CAC avec la motivation « son investissement reste pour l’heure à consolider » mais précisant néanmoins qu’un article dans une revue de rang 2 a été publié durant l’année de stage. Le directeur a fait fi de l’avis du responsable de formation et n’a considéré que l’avis de recherche pour conclure, sans autre motivation au renouvellement pour une année de stage. Un recours en appel auprès du président de l’établissement pour demander la saisine du conseil d’administration a été envoyé, la section locale est également mobilisée. L’affaire n’est pas finie…
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Stagiaire pour la deuxième année et ayant un avis favorable de son directeur de recherche, elle/il redoute un avis défavorable pour ses missions d’enseignement. Elle/Il apprend après avoir demandé les rapports et procès-verbal du CAC ayant renouvelé son année, que ce dernier avait en fait approuvé sa titularisation et que c’est d’une manière totalement irrégulière que le président a choisi de passer outre à l’avis favorable du CAC. Le SNESUP-FSU national a accompagné son recours en écrivant au président de son établissement et au président du CAC. L’affaire n’est pas finie…
Faut-il rappeler que :
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le refus de titularisation à l'issue de l'année de stage doit rester une mesure exceptionnelle que seuls de graves manquements peuvent justifier
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l'appréciation portée sur les MDC stagiaires doit être a priori bienveillante. Elle doit tenir compte des difficultés qu'entraîne nécessairement l'intégration à des équipes de recherche et de formation nouvelles, tout spécialement lorsqu'il s'agit de collègues nouveaux dans l'établissement. Il en va de même pour les distractions qui peuvent découler d'un déménagement ou de l'éloignement (même provisoire) du domicile familial.
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le prolongement du stage est en réalité une sanction. Sans s'étendre sur la perception douloureuse d'être rejeté quelques mois après avoir été élu, cette mesure entraîne en outre un retard de carrière d'une année.
Comment est-on arrivé à ces situations ?
Ces situations ont été rendues possibles par les modifications successives apportées dans la procédure de titularisation avec les lois LRU de 2007 et ESR de 2013. Précédemment, la décision incombait à la commission de spécialiste dont relevait le stagiaire et qui l’avait recruté un an auparavant. Elle était ensuite formalisée par un arrêté du ministre.
Les commissions de spécialistes ont été supprimées en avril 2009 et leur compétence en matière de titularisation transférée au conseil scientifique puis au CAC en formation restreinte à partir de 2013. Parallèlement, c’est désormais le président ou directeur de l’établissement qui signe l’arrêté de titularisation. La seule disposition restée inchangée concerne la possibilité de recours au conseil d’administration en formation restreinte en cas d’une décision défavorable.
Ces modifications se sont traduites par la perte de proximité dans la prise de décision puisque seul les organes centraux sont désormais compétents, et par une perte de la collégialité disciplinaire. En effet les membres du CAC connaissent rarement les stagiaires concernés et n’appartiennent pas forcément à sa discipline. Les textes en vigueur n’imposent aucune procédure particulière d’instruction des dossiers par le CAC hormis le cas échéant l’avis des directeurs d’écoles ou d’instituts (ESPE, IUT …). Cédant à la facilité, la plupart des CAC prennent avis des directeurs de laboratoires, responsables de formations ou directeurs de composantes. Ce qui a par ailleurs pour effet de contribuer au développement de pseudo hiérarchies propices aux dérives clientélistes. Par exemple, ce peut être l’occasion pour un collègue de « corriger » le choix du comité de sélection qui ne lui convenait pas.
Nous défendons une procédure dans laquelle :
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Les avis des directeurs de structures sont remplacés par les avis de leur conseil élu en formation restreinte.
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Les stagiaires ont la possibilité de formuler des observations sur ces avis.
Ces dispositions peuvent d’ores et déjà être mises en œuvre au niveau des établissements mais elles gagneraient à être codifiées dans notre décret statutaire.
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