À la pénurie de postes et de locaux qui nous dénonçons depuis des années, la crise sanitaire ajoute encore des contraintes organisationnelles qui rendent criant le fait que l’investissement dans l’ESR est largement insuffisant depuis plusieurs années. L’enseignement supérieur et la recherche craquent de toute part et les réponses adaptées sont toujours inexistantes. Et c'est dans ce contexte de tension que le ministère continue à avancer sur la loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR) et qu’il engage des concertations sur un calendrier intenable de notre point de vue sur le sujet pourtant crucial de la revalorisation des rémunérations et des carrières !
Nous aurions préféré que toutes les énergies soient utilisées à accompagner les collègues et les étudiant·es et qu’elles contribuent à ramener un peu de sérénité et non à avancer sur une loi dont nous avons dénoncé tout au long de l’année dernière les dangers : précarisation accrue, privatisation et remise en cause du service public de l’ESR, mise en concurrence des personnels et des établissements, accroissement des inégalités, etc.
Même si la ministre a annoncé 10 000 créations de places en plein cœur de l’été, puis 30 000 créations de places hier sur la période 2020-2022 (soit 10 000 cette année et 20 000 l’année prochaine alors que les besoins sont immédiats et qu’ils ne feront que s’accroître), nous attendons toujours des précisions sur leur financement (20 millions d’euros évoqués pour cette année lors de la multilatérale du lundi 31 août, c’est à dire 2000 euros/ place supplémentaire ! Quand on sait qu’un·e étudiant·e coûte en moyenne 6-7000 euros, il est facile de comprendre que cette somme ne répond pas du tout à la réalité des besoins !). Combien de recrutements de titulaires prévus pour accueillir ces 30 000 étudiant·es ? Dans quels locaux ? Quel financement des formations ?
La ministre nous dit que les établissements sont prêts à accueillir les étudiant·es. Nous ne pouvons que l’inviter à aller y faire un tour pour rencontrer les collègues et apprécier le désordre et la cacophonie qui règnent dans les établissements en ce moment ! Nous sommes rentré·es, nous avons pu constater les énormes difficultés dans nos établissements !
Les personnels sont en grande difficulté et sont la plupart du temps livré·es à eux/elles-mêmes car la circulaire ministérielle et les propos de la ministre restent très flous, et sa déclinaison dans les établissements également, concernant deux points pourtant cruciaux :
- les directives sur la distanciation et le port des masques sont contradictoires : on doit mettre masque et respecter si possible la distanciation… Certains établissements autorisent donc la présence des étudiant·es en “amphi” avec port de masques, d’autres obligent à la distanciation en neutralisant une place sur deux et en divisant les jauges des salles par 2… ce qui complique énormément l’organisation dans des établissements majoritairement en grande difficulté en terme de locaux et qui crée de grandes inégalités sur le territoire ;
- l’utilisation de l’enseignement à distance n’est pas du tout cadrée : on peut là encore noter la contradiction entre l’objectif affiché d’un maximum de présentiel et l’appel à projet sur l’hybridation des formations de l’enseignement supérieur financé à hauteur de 40 millions d’euros de ces appels à projet. Nous avons dans certains établissements des étudiant·es qui se retrouvent avec dans une même journée une alternance entre enseignement à distance et enseignement en présentiel, des enseignant·es qui se voient obligé·es d'accepter de faire des enseignements à distance ou d’être filmé·es… Quelle possibilité ont-ils/elles de refuser ? Quelle prise en compte de la réalité des étudiant·es ? Aucune réponse du ministère…. Débrouillons-nous !
L’ESR a besoin d’un plan d’urgence. Nous le répétons une fois de plus.
Nous avons besoin d’un recrutement massif de titulaires (la FSU a chiffré le besoin à 6000 emplois par an, toutes catégories confondues, pendant 10 ans pour remettre l’ESR à flot et répondre à l’explosion des effectifs), d’une augmentation du nombre de mètres carrés (le plan de relance intègre 4 Mds d’euros quand, selon la CPU il en faudrait 8) et de 210 millions d’euros pour accueillir les étudiant·es (30 000 étudiant·es supplémentaires sont attendu·es cette année).
Nous sommes très loin du compte et nous attendons une réaction rapide du gouvernement à la hauteur de la situation sous peine de sacrifier toute une génération !