INTERVENTION LIMINAIRE du SNESUP-FSU - CTU du 2 juillet 2020

Publié le : 02/07/2020

Le SNESUP-FSU s’est déjà largement exprimé sur le projet de LPPR tel qu’il se dessine. Cependant il déplore l’absence à ce CTU de madame la Ministre alors qu’elle revendique le caractère historique de ce projet notamment relativement à son impact sur le métier des enseignant·es-chercheur·es.

Après que le CESE a déjà donné un avis défavorable à ce projet de loi qui prévoit de sauver la recherche qu’en accentuant les mécanismes qui l’ont dégradée et sans se donner les moyens d’atteindre les 3 % de PIB consacré à la DIRD, ni même 1 % pour la DIRDA.

Après un CNESER, qui s’est réuni dans des conditions lamentables siégeant plus de 20h du jeudi 18 juin au vendredi 19 juin à 6h du matin, permettant à la Ministre de l’ESRI un passage en force, puis le CSFPE et le CTMESR qui ont du, à leurs tours donner un avis uniquement sur quelques articles alors qu’une grande part du texte impacte les agent·es. 

Avec le CTU, le MESRI franchi un nouveau cap puisqu’il ne permet même pas aux élu·es de déposer des amendements de de voter un avis sur ce projet de loi puisqu’il ne le convoque que pour information. Le SNESUP-FSU dénonce vigoureusement cette interprétation trop restrictive des prérogatives du CTU alors que le projet de loi prévoit de modifier les voies de recrutement, de recours, les prérogatives et l’âge de départ en retraite des enseignant·es-chercheur·es. C’est un nouveau, manque de respect des collègues élu·es par la communauté pour les représenter. Sans oublier la reconvocation l’avant veille pour le lendemain, qui ne respecte pas le Règlement intérieur de notre Conseil.

Le service public de l’ESR mérite mieux qu’un nouvel avatar de la “stratégie du choc” : investir dans la recherche et l’enseignement supérieur devrait être une priorité, faire confiance aux personnels devrait en être une autre. Ces deux priorités sont cruellement absentes de ce projet de loi. 

  • Précarisation et destruction des statuts : Ce projet de LPPR prévoit sur 10 ans le recrutement de 15 000 contractuel·les supplémentaires dans la recherche publique contre seulement 5200 titulaires. La forte proportion de personnels en contrat à durée déterminée dans l’ESR, y compris sur des fonctions pérennes est inefficace et c’est un drame social. Le SNESUP-FSU refuse donc d’aggraver cette catastrophe. Il s’oppose vigoureusement aux nouvelles voies de recrutement « Chaire de professeur junior » et « CDI de mission scientifique » qui seront des outils de cette précarisation et de la destruction du statut de Maîtresses et Maîtres de conférences et un précédent pour tous les recrutement de cadre A de la fonction publique. De plus avec les tenures tracks dont le recrutement est sans qualification CNU et sans participation des MC aux commissions, l'unité des deux corps d'EC est niée contrairement à la constitution. Enfin nous dénonçons qu’avec les cumuls et report d'âge de la retraite certain·es pourraient occuper des postes jusqu'à 78 ans.

    Budget insuffisant : Le projet de LPPR fixe une trajectoire budgétaire pour la recherche avec une progression annuelle moyenne de 500 millions d’euros jusqu’en 2030. Cette programmation budgétaire est très insuffisante. Elle consiste à poursuivre la politique budgétaire menée depuis 2000 qui aboutit au décrochage de la recherche en France avec la stagnation relative du budget de la recherche entre 0,75 % et 0,80 % du produit intérieur brut (PIB). Le Président de la République a vanté que le projet de LPPR réaffirme l’ambition de consacrer 3 % du PIB à la recherche en France ; cependant la trajectoire budgétaire de l’article 2 passe à la trappe cet engagement. Et la recherche française va malheureusement continuer son déclin pour très longtemps ! Relevons que bien que cet objectif soit un indicateur de l’impact du projet de loi, aucune projection n’est proposée dans le document intitulé ”étude d’impact”, qui de fait n’en a que le nom et qui rassemble juste une argumentation de propagande qui détourne l’ambition qui lui est confiée.

  • Rémunération : Le projet de LPPR prévoit une enveloppe de 92 millions d’euros en 2021 pour « revaloriser » les rémunérations des personnels de l’ESR et un montant équivalent les années suivantes. Cette revalorisation ne constitue en rien un « rattrapage » puisqu’elle correspond juste à la progression moyenne anticipée des salaires à l’échelle nationale les prochaines années. Elle n’apporte de réponse ni au déclassement des rémunérations (-15 % en 10 ans) ni au manque d’attractivité des métiers dans l’ESR. À titre d’exemple, la rémunération moyenne des enseignant·es-chercheur·es est inférieure de 2900 euros brut par mois à celle des catégories équivalentes de la fonction publique : avec le projet de loi, l’écart augmenterait encore pour s’établir à plus de 3000 euros bruts par mois en 2027.

  • Relation entre recherche publique et recherche privée : notamment avec aucune obligation d'augmentation de l’investissement privé ou de l'embauche de docteur·es, le maintien du CIR, la plus importante niche fiscale dont l’efficacité n’est toujours pas démontrée, le SNESUP-FSU dénonce une fois encore son maintien en l’état et sa croissance non maîtrisée.

  • Privatisation de l’encadrement des “contrat doctoraux” : l’encadrement du doctorat serait maintenant confié à des entreprises privées. En effet, l’article 4 du projet de loi LPPR permettrait la mise en œuvre d’ “un contrat de travail de droit privé à durée déterminée”, dénommé « contrat doctoral », qui permettrait de ne plus contracter avec un laboratoire et un directeur/trice de thèse mais directement avec une école doctorale. Ces doctorats en entreprise seraient une nouvelle étape vers la privatisation du service public d’Enseignement supérieur et l’affaiblissement des prérogatives des enseignant·es-chercheur·es au profit des acteurs privés et un nouveau transfert du financement de l’ESR vers le privé. Car n’en doutons pas, comme pour l’apprentissage, le patronat exigera d’être rétribué pour cette mission. Le SNESUP-FSU rappelle qu’une œuvre scientifique, comme la thèse, ne doit pas dépendre exclusivement d’intérêts économiques ou industriels.

  • Nouveau recul de la démocratie universitaire : Le projet de LPPR ratifie l’ordonnance de décembre 2018 sur les établissements expérimentaux et ouvre de nombreuses “simplifications” statutaires qui prolongent la dérégulation, réduisent la démocratie dans les établissements, renforcent les pouvoir des Président·es, cassent la collégialité, et débouchent sur la réduction des droits des personnels.

En conclusion : abandon de l’engagement des 1 % du PIB, encore plus de contrats à durée déterminée dans l’ESR, attaque du statut de la fonction publique, renforcement des appels à projets, atteinte à la liberté de recherche, abandon de l’engagement de rattrapage des rémunérations, risque d’augmentation des conflits d’intérêts en encourageant le pantouflage et le rétro-pantouflage entre le public et le privé.

Ce projet de loi est d’autant plus dramatique que la crise sanitaire, a montré l’importance de la recherche et du progrès des connaissances dans toutes les disciplines. Mais cette crise n’a absolument rien changé aux intentions du gouvernement. Aucun collectif budgétaire pour la recherche et l'enseignement supérieur pour 2020 alors que plus de 250 milliards d’euro sont distribués dans différents secteurs d’activité pour les soutenir face à la crise économique et sociale provoquée par la pandémie de Covid-19 et la proposition de progression du programme 150 pour 2021 et 2022 c’est à dire sur les années qui engagent ce gouvernement, ne serait que de +165 et +137 M€ .

Le SNESUP-FSU rappelle que l’urgence est de réussir la rentrée 2020 après et sous la menace de la crise sanitaire, ce qui demande un investissement de l’État à hauteur de 540 M€ supplémentaires. Il réitère sa demande d’une programmation budgétaire permettant au minimum d’atteindre 1 % du PIB (calculé avant la crise sanitaire) - c’est-à-dire une augmentation de 6 milliards d’€ – pour la recherche publique dès 2022 puis de maintenir a minima cet effort de 1 % jusqu’en 2030. Ce financement doit permettre de redimensionner la recherche publique à la hauteur des enjeux avec :

  • un plan pluriannuel de création de 60 000 postes de titulaires dans l’ESR d’ici 2030 et de 7000 contrats doctoraux pour atteindre 20 000 docteur·es par an d’ici 2027 ;

  • des dotations de recherche des établissements augmentées de 2 milliards d’€ dès 2022 ;

  • un rattrapage rapide des rémunérations des enseignant·es-chercheur·es et de tous les personnels de l’ESR au niveau de celles des fonctionnaires appartenant aux corps comparables de la fonction publique de l’État.

 

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