Vous êtes enseignant.e de statut second degré (PRAG-PRCE-PEPS-PLP)
et ne souhaitez pas participer au tri des dossiers des candidat.e.s
à l'inscription en université.
Vous n'y êtes pas obligé.e !
Il existe encore en France pour le moment un cadre légal et réglementaire définissant les obligations des agents de la fonction publique, et dont il faut exiger le respect.
Inversion de la charge de la preuve
Si « on » cherche à faire pression sur vous pour vous obliger participer au « tri sélectif des bacheliers » (au motif de « prendre votre part du travail qui incombe à tous »), un bon conseil : inversez la charge de la preuve, et demandez le fondement juridique de cette exigence. « On » devrait rapidement renoncer à cela, modulo quelques imprécations, pressions morales, ou même menaces éventuelles qui ne doivent pas vous effrayer, car vous êtes dans votre droit. Voici un bref rappel de ce qui relève de vos obligations, et de ce qui n'en relève pas.
Missions d'enseignement, suivi individuel et évaluation
Les missions des enseignants de statut second degré sont définies par des décrets spécifiques aux différents corps : le décret 72-580 pour les certifié.e.s, le décret 72-581 pour les agrégé.e.s, le décret 80-627 pour les professeurs d'éducation physique et sportive, et le décret 92-1189 pour les professeurs de lycée professionnel. Elles consistent principalement en un service d'enseignement, dans le cadre duquel les enseignants assurent le suivi individuel et l'évaluation des élèves et contribuent à les aider dans le choix de leur projet d'orientation.
Aide à l’orientation mais pour vos propres élèves
Le conseil dans le choix du projet d'orientation ne s'opère selon ces textes que pour des élèves dont les enseignant.e.s assurent le suivi individuel et l'évaluation, il ne saurait se faire par un tri de dossier de candidature de lycéen.ne.s dont vous n'êtes pas l'enseignant.e.
Tri des dossiers non assimilé à de l’enseignement
Par ailleurs, en raison de votre affectation dans l'enseignement supérieur, vos obligations statutaires déclinant ces missions sont définies par le décret 93-461 qui prévoit uniquement un service de 384 heures de TD ou TP en présence d'étudiants (ou combinaison équivalente en cas de cours magistral dans le service).
Le tri des dossiers de lycéens ne pouvant être assimilé à de l'enseignement en présence d'étudiants, rien ne peut donc vous obliger à y participer.
Non, le ou la président.e n'a pas tous les pouvoirs
Si le 4°) de l'article L712-2 du code de l'éducation donne au président ou la présidente d'université l'autorité sur l'ensemble des personnels, cette autorité ne peut s'exercer que dans le cadre législatif et réglementaire en vigueur. Donc cela ne l'autorise pas à ajouter des nouvelles missions qui ne sont pas prévues dans les statuts des enseignants de second degré. En outre, les fonctionnaires ne sont pas tenus d'accepter du travail supplémentaire, jamais obligatoire.
Faire valoir son tableau de service
Parce qu'on n'est jamais trop prudent, s'il ne vous a pas été demandé de le signer en début d'année universitaire, et si la gestion des services d'enseignement se fait à l'aide d'une plate-forme informatique, éditez votre tableau de service annuel prévisionnel en guise de preuve que vous n'avez pas de temps de travail prévu pour le tri des dossiers...
Réquisition d’un fonctionnaire à usage très limité
Et si jamais « on » vous parle de réquisition des fonctionnaires en cas de circonstances exceptionnelles, sachez que celle-ci se limite à des cas de grève portant gravement atteinte à la continuité du service public ou aux besoins de la population, lors desquelles certains agents peuvent être réquisitionnés. La réquisition peut être décidée par les ministres, les préfets ou les directeurs des structures répondant à un besoin essentiel. Elle doit être motivée et peut faire l'objet d'un recours devant le juge administratif (https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F499). Dans le cas d'un simple refus d'effectuer une tâche ne relevant pas de vos missions et non prévue par votre tableau de service prévisionnel, elle n'est donc pas possible.
Enfin, rappelons les dispositions de l’article 28 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 relative au statut général de la fonction publique : « Tout fonctionnaire, quel que soit son rang dans la hiérarchie, est responsable de l'exécution des tâches qui lui sont confiées. Il doit se conformer aux instructions de son supérieur hiérarchique, sauf dans le cas où l'ordre donné est manifestement illégal et de nature à compromettre gravement un intérêt public. »
La légalité de l’arrêté Parcoursup fait actuellement l’objet d’une saisine, en référé-suspension, du Conseil d’État : si le Conseil d'État a rejeté la requête en référé, au motif qu’il existe un intérêt public à ce que l‘arrêté du 19 janvier 2018 ne soit pas suspendu et que cet intérêt excède les inconvénients pointés par les requérants, il ne s’est pas prononcé sur le fond, à savoir la légalité de cet arrêté.
Rappel des textes réglementaires
Extraits de l'article 4 du décret 72-580 relatif au statut particulier des professeurs agrégés de l'enseignement du second degré et du décret 72-581 relatif au statut particulier des professeurs certifiés
Les professeurs [agrégés/certifiés] participent aux actions d'éducation principalement en assurant un service d'enseignement. Dans ce cadre, ils assurent le suivi individuel et l'évaluation des élèves et contribuent à les conseiller dans le choix de leur projet d'orientation.
[...]
Ils peuvent exercer les fonctions de directeur délégué aux formations professionnelles et technologiques. Ces fonctions consistent à assurer, sous l'autorité directe du chef d'établissement, l'organisation et la coordination des enseignements technologiques et professionnels ainsi que la gestion des moyens mis en oeuvre pour ces enseignements. Le directeur délégué aux formations professionnelles et technologiques conseille le chef d'établissement pour le choix, l'installation et l'utilisation des équipements pédagogiques. Il participe aux relations extérieures de l'établissement, notamment avec les entreprises.
Ils peuvent également être affectés dans des établissements d'enseignement supérieur.
Article 4 du décret 80-627 relatif au statut particulier des professeurs d'éducation physique et sportive
Les professeurs d'éducation physique et sportive participent aux actions d'éducation, principalement en assurant l'enseignement de leur discipline dans les établissements du second degré, dans les établissements d'enseignement supérieur et dans les établissements de formation du ministère de l'éducation nationale. Dans ce cadre, ils assurent le suivi individuel et l'évaluation des élèves et contribuent à les conseiller dans le choix de leur projet d'orientation.
Article 2 du décret 92-1189 relatif au statut particulier des professeurs de lycée professionnel
Les professeurs de lycée professionnel participent aux actions de formation, principalement en assurant un service d'enseignement dans leurs disciplines respectives. Ils exercent principalement dans les classes ou divisions conduisant à l'acquisition des certificats d'aptitude professionnelle, des brevets d'études professionnelles et des baccalauréats professionnels. Dans ce cadre, les professeurs de lycée professionnel assurent le suivi individuel et l'évaluation des élèves qu'ils contribuent à conseiller dans le choix de leur projet d'orientation.
Ils peuvent également exercer dans les classes ou divisions conduisant à l'obtention de brevets de technicien supérieur et dans les formations conduisant à l'obtention de licences professionnelles quand celles-ci sont organisées par convention avec les établissements scolaires.
Article 2 du Décret 93-461 relatif aux obligations de service des personnels enseignants du second degré affectés dans les établissements d'enseignement supérieur
Les enseignants titulaires ou stagiaires du second degré auxquels s'appliquent les dispositions du présent décret sont tenus d'accomplir, dans le cadre de l'année universitaire, un service d'enseignement en présence des étudiants de 384 heures de travaux dirigés ou de travaux pratiques.
Dans le cas particulier où des cours magistraux leur sont confiés, ceux-ci sont pris en compte, pour le calcul du service d'enseignement énoncé à l'alinéa précédent, à raison d'une heure et demie pour une heure d'enseignement effective.