Le premier ministre trouve anormal que des étudiant.e.s étranger.e.s fortuné.e.s ne paient pas des droits d’inscription élevés en France. Avec un tel argument, n’anticipe-t-il pas l’introduction d’une augmentation des droits d’inscription à l’université pour tou.te.s les étudiant.e.s, augmentation par ailleurs préconisée dans un récent rapport de la cour des comptes[1]?
Les 324 000 étudiant.e.s étranger.e.s inscrit.e.s en 2016-17 représentent 15% des effectifs en France, 81% d’entre eux provenant de pays hors UE[2]. Si leur nombre a baissé entre 2012 et 2015, il était à nouveau en progression en 2016 et en 2017. La hausse des droits d’inscription n'est nullement une garantie d'attractivité. Elle aboutira au contraire à tourner le dos aux étudiant.e.s étranger.e.s les moins riches, qui le plus souvent viennent d’Afrique, et à privilégier celles et ceux issu.e.s de familles aisées, notamment des pays émergents.
L’accueil des étudiant.e.s étranger.e.s mobilise chaque année 3 milliards d’euros par an mais rapporte 4,65 milliards d’euros[3] à la France. De plus, qu’ils s’insèrent professionnellement dans notre pays ou qu’ils le fassent dans leur pays d’origine, ces étudiants contribuent aux échanges culturels, économiques et scientifiques.
Le modèle d’enseignement supérieur anglo-américain, pris en exemple alors qu’il est fortement inégalitaire, très coûteux et peu soucieux de mixité sociale, est-il compatible avec les valeurs de la République et avec celles d’une société démocratique de citoyens instruits, rompus à l’esprit critique et prêts à relever les défis contemporains ?
Souhaitons-nous que l’enseignement supérieur soit réduit à une marchandise accessible aux plus fortuné.e.s ou qu’il plonge les étudiant.e.s dans la spirale de l’endettement, parfois pour une bonne partie de la durée de leur vie active ?
Actuellement, la France n’investit pas suffisamment dans l’enseignement supérieur et la recherche. Notre pays en a pourtant les ressources. Il suffirait, par exemple, au cours des 10 prochaines années, de transférer progressivement jusqu’à 70% du Crédit Impôt Recherche, part qui correspond à l’optimisation fiscale des multinationales, pour recruter les 60 000 personnels de toutes catégories nécessaires à l’encadrement des nouvelles générations. Ce serait un premier pas pour respecter l’engagement pris par la France de consacrer 2% du PIB à l’enseignement supérieur.
Le SNESUP-FSU est favorable à l’accueil dans nos établissements de tou.te.s les étudiant.e.s français.es, étranger.es, qu'ils soient ou non communautaires. Les formations publiques doivent être gratuites pour toutes et tous, sans discrimination.
Plusieurs pétitions ont été lancées pour protester contre cette mesure dont l’une a déjà recueilli plus de 230 000 signatures[4]. Le Bureau national du SNESUP-FSU appelle la communauté universitaire à organiser des AG dans les établissements, à informer et à continuer à faire voter des motions dans les conseils d’administration. Il prend contact avec les autres organisations syndicales pour construire une mobilisation d’ampleur pour faire échec à ce projet.
[1] La Cour des Comptes estime que “Les universités, soumises à de fortes contraintes de financement, peuvent difficilement rester à l’écart d’une réflexion sur les droits d’inscription” (p. 59) et que “le cycle master (incluant le diplôme d’ingénieur) constituerait le pivot de la progression des droits, notamment en raison des perspectives d’insertion professionnelle qu’il offre aux diplômés” (p. 12). Les droits d’inscription dans l’enseignement supérieur - novembre 2018.
[2] https://ressources.campusfrance.org/publi_institu/etude_prospect/chiffres_cles/fr/chiffres_cles_fr.pdf
[3] Etude de BVA pour Campus France: https://www.bva-group.com/sondages/lapport-economique-des-etudiants-etrangers-en-france/