Discours du SNESUP-FSU au congrès du SAES - Dakar, le 2 août 2019

Publié le : 04/09/2019

 

Monsieur le ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation,

Monsieur le ministre du Travail, du dialogue social et des relations avec les institutions,

Madame la présidente du Haut Conseil du Dialogue social,

Mesdames et messieurs les Recteurs,

Mesdames et messieurs les Doyens et Directeurs d’UFR,

Mesdames et messieurs, en vos titres et qualités,

Chers Collègues, chers Camarades,

 

Je dois vous dire le plaisir de venir devant vous aujourd’hui et de pouvoir dire à chacun l’amitié du Syndicat national de l’Enseignement supérieur français qui vient lui aussi de tenir fin juin son congrès et d’élire deux co-secrétaires généraux : ANNE ROGER et CHRISTOPHE VOILLIOT qui me prient de les associer à cette amitié que je vous apporte aujourd’hui. Je voudrais remercier MALICK FALL et le SAES de cette invitation, dire à MALICK FALL le respect que nous avons personnellement pour lui et vous dire à tous l’amitié que l’ensemble du Syndicat national de l’enseignement supérieur a pour le SAES.

Les relations entre nos deux syndicats ont été fortes dès la création du SAES en avril 1985. Nous formons le vœu que ces relations se poursuivent et même se renforcent car nous avons nous aussi beaucoup à apprendre de vous et beaucoup à apprendre des problèmes qui se posent de manière générale en Afrique. Nous avons plaisir à maintenir et à renforcer ces liens déjà forts entre nous. Nous y avons aussi intérêt. Car au niveau international, de toutes parts, l’enseignement supérieur et la recherche subissent des attaques – pour ne pas dire des agressions. Au moins sur deux plans.

Le premier plan est celui d’une politique néo-libérale qui instrumentalise l’enseignement supérieur et la recherche avec des conséquences certaines sur les personnels, sur les universitaires que nous sommes. Et cette politique néolibérale, vous la connaissez-vous aussi. Nous avons tant d’exemples. Mais nous continuons à affronter une volonté de marchandisation de l’enseignement supérieur et nous avons nous aussi ces entreprises marchandes à qui l’on peut donner des dizaines de milliards et qui peuvent nous dire qu’elles ne sont pas contentes. La réponse on la connaît, le secteur privé ne sera jamais content. Pour lui, l’État n’en fait jamais assez. S’il n’y a aucune différence entre plusieurs dizaines de milliards et zéro milliard, si dans les deux cas ils ne sont pas contents, alors donnons leur zéro milliard. Les universités publiques seraient contentes, quant à elles, de récupérer ces sommes dont le marché ne se satisfait jamais.

Mais on ne s’engage pas, on le sait toutes et tous, dans une carrière universitaire par hasard. On ne reste pas à l’Université parce qu’on ne sait pas où aller. C’est une volonté, c’est un engagement, c’est presque un acte militant. Nous partageons une volonté collective de faire progresser la recherche, de faire progresser le savoir et de le transmettre. Lorsque nous protestons, on nous répond parfois : « il faut être responsable ». Mais il est permis de se poser la question : « qui est irresponsable ? ». Est-ce celles et ceux qui n’écoutent pas toute une profession et ce qu’elle a à dire, celles et ceux qui sont dominé.es par les dogmes néo-libéraux ou est-ce celles et ceux qui consacrent leurs vies à l’université, qui connaissent un peu l’université, les étudiant.es, la recherche, et qui affirment collectivement « votre marchandisation, ça ne peut pas marcher ! ». Et on se trouve confronté.es, toutes et tous, où que nous soyons aujourd’hui, à des gens qui nous expliquent que c’est nous qui sommes dogmatiques mais qu’eux savent ce qu’il faut faire. Alors qu’à chaque fois, on se rend compte que ça ne marche pas… et qu’en réalité les principaux bénéficiaires ne sont « pas content.es ». Nous avons les mêmes. Partout dans le monde, on a les mêmes.

C’est le premier point, c’est la première agression que l’on subit tous les jours. Elle est difficile à gérer car c’est la plus insidieuse et il faut du recul, il faut une réelle compréhension du fonctionnement d’ensemble de l’université pour garder intactes nos convictions et continuer à convaincre nos collègues qu’il ne faut rien céder sur nos valeurs.

Seconde agression, et là le terme n’est pas trop fort : c’est la répression des universitaires. Une forme de reprise en mains de l’université un peu partout dans le monde avec des points extrêmes, réellement des points extrêmes aujourd’hui, en Turquie et au Brésil.

C’est notamment pour ces deux raisons et je vais en citer de façon plus détaillée trois en réalité, que ces liens forts que nous entretenons avec le SAES, et ensemble aussi avec le SUDES (je salue d’ailleurs AMADOU DIAOUNE et OUMAR DIA que j’ai croisé ici ce matin), avec EGITIM SEN en Turquie, et avec la FGESRS en Tunisie, c’est pour ces raisons donc que nous avons commencé à poser en juin dernier, tous ensemble, les bases d’un combat que nous aurons à mener ensemble car nous réalisons bien que les logiques auxquelles nous sommes confrontés sont des logiques internationales et qu’il faut aussi les combattre à ce niveau pour défendre les principes mêmes qui fondent, partout, l’Université et les raisons précisément qui fondent notre engagement professionnel, notre dévouement à l’Université.

Cet appel que nous lançons ensemble a bien sûr vocation à s’élargir et il y a déjà une plateforme sur laquelle nous avons travaillé ensemble autour de 3 points dont je voudrais dire un mot rapidement puisque la plateforme sera, si ce n’est pas déjà le cas, assez vite en ligne dans les termes qui seront validés par nos instances de direction respectives.

Il y a principalement donc 3 points : ces sont 1. La précarité, et ce que nos camarades des autres syndicats invités viennent de dire confirme que la question se pose bien partout et qu’il s’agit bien d’une préoccupation internationale aujourd’hui, 2. Les libertés académiques car s’organise finalement une orientation de nos travaux qui mine de rien nous pousse prioritairement vers des recherches immédiatement utiles au marché – pour que l’on vienne quand même nous dire demain que l’on est pas content…  – et 3. ce rôle social de l’université, dans les termes qu’a formulé lors de la rédaction de cette plateforme votre secrétaire général, MALICK FALL, cet héritage commun de l’humanité qu’est l’Université, cette universalité qu’il y a dans l’Université qui fait que nous avons peut-être plus à apporter au monde et à l’humanité de manière générale qu’à nous intégrer pour la satisfaire dans une forme de concurrence internationale… qui conduit à nous dire « vous comprenez, nous ne pouvons pas faire autrement, sinon, la fuite des cerveaux… etc. ». Nous faisons toutes et tous face au même discours. Alors que notre engagement se fonde sur une mission supérieure, commune aux universitaires du monde, de préserver cet héritage commun de l’humanité, de favoriser le progrès de cette humanité en coopérant les un.es avec les autres plutôt que d’être en concurrence. Le propos n’est pas nouveau. Nous le tenions déjà au début des recherches sur le SIDA : qu’est-ce qui est plus efficace ? Que des laboratoires travaillent en concurrence, opposés les uns aux autres, qu’ils réalisent les mêmes travaux dans le plus grand secret et perdent du temps à faire la même chose chacun dans leur coin, ou bien qu’ils coopèrent, qu’ils partagent leurs avancées autant que leurs impasses d’ailleurs, et que mille chercheur.es travaillent de concert sur des questions de recherche urgentes, voire dans ce cas vitales. On le sait pourtant : dans ce domaine aussi la coopération est plus forte et plus efficace que la concurrence. On sait que c’est l’université, celle que nous aimons, au service de l’humanité, qui nous rend bien plus libres que le marché. C’est le marché qui soumet et c’est la coopération qui nous rend libres de nos travaux et plus libres d’accomplir les missions pour lesquelles nous nous sommes, les un.es et les autres, engagé.es à l’Université. Je ne serai pas plus long.

 

Cher.es collègues, Cher.es camarades,

Merci encore une fois de votre accueil, si chaleureux.

Vive le SAES !

Vive la coopération syndicale internationale !