Discours d'introduction du secrétaire général (Hervé CHRISTOFOL) au congrès 2019

Publié le : 02/09/2019

 

 

Je tiens à remercier la section de l’ESPE de Sorbonne Université pour son accueil et son aide pour l’organisation de ce congrès d’orientation, Merci à sa secrétaire de Section Michela Gribinski et à Alain Frugiere, directeur de l’ESPE de Paris. C’est le 13ème congrès d’orientation du SNESUP depuis la création de la FSU et le 31ème depuis la création du SNESUP après sa scission avec le SNCS en 1956.

 

Ce congrès se tient deux ans après la prise du pouvoir par Emmanuel Macron et alors que son premier Ministre vient de lancer l’acte deux du mandat au cours duquel il prévoit tout simplement de réformer les retraites, l’assurance chômage, l’organisation de la recherche et les institutions de notre république — que l’affaire Benalla avait reléguée au second plan durant l’été 2018 !

 

Lors de notre congrès en Sorbonne en 2017, j’avais déclaré qu’il ne pourrait pas passer en force sur les retraites, le code du travail, le démantèlement de la fonction publique et de l’enseignement supérieur. Et pourtant … Il est vrai grâce à un niveau de répression rarement voire jamais atteint en France au cours de 45 dernières années –du moins en dehors des cités des banlieues populaires où ces techniques ont été testées et mises au point– il est parvenu avec les ordonnances à détruire le code du travail et les instances paritaires. Et nous ne nous y sommes pas trompés en combattant solidairement ces attaques contre les salarié.es du privé puisque maintenant par souci d’égalité, elles sont imposées aux salarié.es de la fonction publique. Mais déjà lors de ces manifestations de l’automne 2017, l’usage des matraques, des gaz lacrymogènes et de grenades explosives a été massif.

Depuis nous avons clairement constaté que le Président de la république était avant tout le Président des très riches puisqu’en supprimant l’impôt sur la fortune (3G€ soit le budget du CNRS), en instaurant une flat taxe sur les revenus du capital (4G€), en transformant le CICE en baisse pérenne de charge (40G€ en 2019) et en supprimant la taxe d’habitation pour tous les ménages (20G€) ; il a fait bondir les fortunes des 1 % les plus riches tout en creusant le déficit de l’État au détriment des services publics, des rémunérations des fonctionnaires et des aides sociales qui de son aveu « coutent un pognon de dingue ! ».

 

Depuis nous avons eu une révolte des classes populaire et des petits indépendant.es pour, à l’origine, protester contre la taxe carbone qui devait augmenter le prix du carburant. Les revendications des Gilets jaunes se sont peu à peu politisées et socialisées au cours de leurs manifestations hebdomadaires : d’une révolte contre les taxes, elles sont devenues des revendications de justice fiscale ; d’une demande de baisse du coût du carburant, elles ont évolué vers une exigence de justice environnementale. Là encore et jusqu’à ce jour, la répression des manifestant.es a été d’un niveau de violence inacceptable : selon les signalements du journaliste David Dufresne, nous décomptons 309 blessures à la tête, 24 éborgné.es, 5 mains arrachées, 1 décès. À cela il faut ajouter les milliers de manifestant.es qui ont été mis en garde à vue préventivement grâce au passage dans le droit commun des lois de l’État d’urgence. Comme aux USA, les lois dites antiterroristes ont servis à réprimer les citoyen.nes ordinaires pour les priver de leur droit de manifester et de se mobiliser.

 

Récemment encore lors des manifestations contre le projet de loi Fonction publique et contre la loi Blanquer dite de l’ « Ecole de la confiance », deux militant.es FSU Xavier et Frédéric ont été abusivement arrêtés à Toulouse. À Nice la 1er mai, notre camarade Olivier Sillam a été violemment arrêté à l’aide de technique d’étouffement comme celle qui aurait été fatale à Adama Traoré.

 

Dans l’enseignement supérieur et la recherche nous n’avons pas été épargné.es ni par les réformes ni par la répression et les violences policières. Dès la rentrée 2017, après une concertation qui nous a permis de faire valoir nos mandats aux côtés des autres syndicats du second degré de la fédération (SNEP, SNES, SNUEP), mais que le gouvernement a ignoré, la Ministre a rédigé la loi ORE qui a généralisé la sélection à l’entrée en Licence à travers une nouvelle plateforme d’affectation Parcoursup. La mobilisation a été importante : 40 universités y ont participé, 15 d’entre elles ont été bloquées ou occupées durant plusieurs semaines. Mais le gouvernement a refusé de négocier et, avec l’accord des président.es d’université, il a fini par faire intervenir les forces de l’ordre pour évacuer les campus. Après une manifestation, le 22 mai 2018, 128 lycéen.nes qui occupaient le lycée Arago ont été mis en garde à vue pendant 48h. Aujourd’hui encore j’ai une pensée pour les 150 000 lycéen.nes qui n’ont toujours pas de proposition d’affectation.

 

Fin  2018, le gouvernement  a décidé d’augmenter les droits d’inscription dans l’enseignement supérieur pour les étranger.es extra-communautaires. Nous avons obtenu qu’il n’augmente pas en Doctorat mais ils augmenteront pour les étudiant.es non européen.nes en septembre 2019 de 260 à 2770 € en Licence et de 330 à 3770 € par an en Master. Les mobilisations ont débuté en décembre mais elles ne se sont pas développées et la répression a été très rapide (le mouvement des GJ illustre la volonté du gouvernement de réprimer les manifestations). Jeudi 6 décembre 2018 au cours d’une mobilisation, des lycéen.nes à Mantes-la-Jolie ont été humilié.es et ont dû rester 2h à genoux, mains sur la tête, face à un mur sous les menaces et la surveillance des CRS.

 

Fin 2018, toujours, l’ordonnance permettant des regroupements expérimentaux est signée par le Président de la république et plusieurs regroupements saisissent cette opportunité de déroger à presque tous les gardes fous du code de l’éducation, pour poursuivre la construction d’universités gigantesques dont la "gouvernance" échappe aux personnels et où la collégialité, fondement de la démocratie universitaire ne sera plus qu'un souvenir. Depuis 2009, l'université de Strasbourg compte 50 000 étudiant.es et 4500 personnels, 5500 personnels à l'université de Lorraine, 75 000 étudiant.es à l’université d’Aix Marseille, depuis 2019, l’université de Lille compte elle 6000 personnels et peut-être bientôt nous aurons 130 000 étudiant.es et 10 000 personnels à l'université de Lyon. Pour les président.es et les administrateurs impliqué.es dans ces opérations :

  • que les personnels et les étudiant.es n'en retirent aucun bénéfice, peu importe,
  • que les personnels doivent subir des mobilités forcées ou une bureaucratie croissante, peu importe,
  • nos dirigeant.es politiques ont subordonné l'octroi des fonds nécessaires au développement des établissement à ces regroupements , peu importe si les surcoûts des fusions mettent systématiquement des nouveaux établissements en déficit, leur imposent des plans d'austérité sur plusieurs années, limitant les promotions, annulant les campagnes de recrutement et réduisant l'offre de formation, c'est le sens de l'université néolibérale et le moyens de casser les statuts (toujours trop « rigides ») de soumettre les personnels (jamais assez flexibles et corvéables) et d'aliéner les étudiant.es (aux impératifs de l'employabilité et à la nécessité de payer leurs études).

 

Est-ce que le projet de loi de programmation pluriannuelle pour la recherche pourra corriger ces dérives ou sera-t-il un nouveau moyen d'accompagner ces transformations ? Nous le saurons dans les mois qui viennent. D’ores et déjà nous avons produit un important travail d’analyse et de synthèse sur l’état de la recherche et de nos revendications. Il est disponible en ligne sur notre site.

 

Enfin d’autres réformes potentiellement destructrices sont devant nous, celle dite de transformation de la fonction publique et celle des retraites :

 

  • Les conséquences de celle de la fonction publique sur l’ESR nous les avons déjà analysées et diffusées dans nos tracts :
    • c’est la disparition de la consultation des CAP pour les promotions et les mutations des collègues de statut second degré. C’est potentiellement l’augmentation du localisme et le dessaisissement du CNU pour les promotions des EC ;
    • c’est le recours au recrutement sur contrat pour contourner les statuts ;
    • c’est le développement des rémunérations au mérite via les primes ;
    • c’est le rétropantouflage et le développement des conflits d’intérêt.

 

  • les conséquences de la réforme des retraites ne sont pas encore certaines mais pour l’ESR, compte tenu d’une part du recrutement tardif, de la faiblesse des salaires en début de carrière et des faibles primes, c’est probablement une baisse de 15 à 20 % des pensions et une aggravation des inégalités femme/homme. Nous avons des revendications à faire valoir : la reconnaissance des années de thèse comme expérience professionnelle, la reconnaissance des années de travaux à l’étranger, la reconnaissance des années de précarité et la nécessité de reconnaitre les congés maternité comme le calcul des pensions de réversion.

 

Les élections professionnelles de 2018 ont vue encore la participation diminuer. Dans l’ESR nous avons le plus bas taux de toute la fonction publique avec 30,5 % contre 50,9 % dans la FPE. Bien que nous perdions 984 voix et 4,7 points par rapport à 2014, ces élections nous ont placé en tête dans notre champ de syndicalisation et nous maintenons nos 4 sièges sur les 10 au Comité Technique des personnels de statuts universitaires. Au CT MESR comme au CTU, relevons que les syndicats qui progressent le plus sont le SNPTES et le SGEN-CFDT qui pour le premier gagne 748 voix au CTU et respectivement 7 et 1 point au CTU. Au niveau de la FPE, la FSU est un des seuls syndicats à progresser en voix.

 

Rappelons aussi que les mobilisations payent et que nous avons des atouts solides.

 

Tout d’abord les valeurs de ce modèle que nous partageons avec la majorité de nos collègues, nos statuts qui nous garantissent un exercice indépendant de nos missions et notre engagement militant qui nous confère l’optimisme de la volonté. Ne les sous-estimons pas. Les mobilisations des retraité.es ont permis un premier recul du gouvernement sur la CSG et la désindexation des pensions, les mobilisations des enseignant.es le 30 mars ont contraint le gouvernement à prendre en compte la nécessaire baisse des effectifs dans les classes de grande section, de CP et de CE1 et à remettre sur la table la revalorisation de leur salaire. Enfin la mobilisation des fonctionnaires, le 16 mars et 9 mai a contraint le président de la République à revenir sur son engagement de campagne de supprimer 120 000 postes de fonctionnaires dont 50 000 dans la fonction publique d’État. Dans l’enseignement supérieur, nous ne sommes pas parvenu.es à peser suffisamment pour empêcher la publication de l’arrêté instaurant des frais différenciés et leur augmentation sans précédent pour les étranger.es et les élèves ingénieur.es. Mais cette bataille n’est pas encore perdue. Au niveau national, des recours juridiques sont lancés et c’est dans nos établissements qu’il nous faut poursuivre la lutte pour que ces augmentations ne soient pas mises en œuvre. Ce gouvernement veut aller vite mais les mouvements sociaux et les affaires peuvent le rattraper. Les réformes ne peuvent pas se mettre en place sans nous. C’est en nous mobilisant dans l’enseignement supérieur et la recherche et en se coordonnant dans nos sections locales que nous pourrons imposer d’autres choix. Les mobilisations payent, rassemblons les collègues et construisons le rapport de force, principal moyen de stopper le démantèlement de l’enseignement supérieur public et de nos statuts, de revendiquer des revalorisations salariales, des créations d’emplois titulaires et de défendre le modèle de l’université humboldtienne sur l’ensemble de notre territoire.

 

Merci de votre attention, merci d’avoir répondu à l’invitation et d’être présent.e, merci de consacrer du temps pour partager vos expériences, vos analyses et vos réflexions, merci pour votre engagement et votre militantisme syndical. Les collègues comptent sur nous pour les informer mais aussi pour leur proposer des alternatives et des mobilisations pour les faire advenir !

 

Je laisse l’organisation des débats au bureau du congrès qui vient d’être élu : bon congrès ! Vive le SNESUP-FSU, vive le syndicalisme de lutte et de transformation sociale !