On assiste dans les INSPE à la liquidation de toute démocratie universitaire : il n’y a plus d’élection, ni même consultation des représentant.es des personnels et usagers mais réunion d’un comité ad hoc regroupant des personnalités extérieures et piloté par le/la président.e d’université et le/la recteur/trice. Une telle procédure témoigne d'une défiance à l'égard des formateurs/trices qui sont les acteurs/trices de la formation. Malgré l’invocation de la recherche dans la formation par les ministères, celle-ci demeure symbolique. Les modalités de formation envisagées accordent de fait la primauté au terrain et à l’apprentissage empirique du métier. Elle prévoit en réalité de laisser les étudiant.es seul.es face au terrain et à l'apprentissage du métier sans favoriser suffisamment la capacité des futur.es enseignant.es à aider les élèves les plus éloigné.es des attentes de l'école.
Tout cela s’accompagne d’un déni de réalité : quelle faisabilité pour une réforme à la rentrée 2020 quand les directives seront connues au mieux en novembre 2019, soit 5 mois après la date de diffusion prévue par le ministère lui-même ? Comment élaborer des maquettes de formation sans connaître les modalités et contenus des concours ? Combien d’étudiant.es pourront être accueilli.es en master à la rentrée alors que la question des berceaux (lieux) de stage fournis par les rectorats n’a jamais pu être anticipée ? Pourtant des capacités d’accueil dans les masters MEEF doivent être définies avant la fin de l’année. Sur quels critères : les besoins réels en enseignant.es ? Les contraintes de stage ? La volonté de réduire les recrutements de fonctionnaires ?
Ceux et celles qui seront admis.es en master seront confronté.es à une mise en responsabilité précoce dans les classes, avant le concours, sous statut de contractuel.le. L’année de M2, qui, d'après les discussions en cours, obligera les étudiant.es à mener de front la préparation du concours, le stage avec une classe en responsabilité et la préparation d’un master incluant la rédaction d’un mémoire professionnel, sera intenable. Cela annonce une maltraitance institutionnalisée des étudiant.es qui risquent de se décourager avant la fin du master.
Revient-il aux élèves de servir de terrain d'expérimentation, en étant confié.es à des étudiant.es en pleine responsabilité, lesquel.les ne seront éventuellement pas reçu.es aux concours qu'ils/elles prépareront comme ils/elles pourront ? Revient-il aux équipes éducatives de pallier les dysfonctionnements éventuels d'une organisation défaillante ? Les collègues titulaires risquent en effet de voir s’ajouter à leurs multiples missions celle d’étayer, secourir comme ils/elles le peuvent et sans réelle reconnaissance, des étudiant.es inévitablement en difficulté dans leurs classes. On redoute enfin les conséquences, dans les EPLE et les écoles, de la généralisation du statut de contractuel.le pour les étudiant.es non stabilisé.es, insuffisamment formé.es, susceptibles de démissionner ou rompre leur contrat à tout moment du fait d’une charge de travail excessive et incompatible avec la formation ; ils/elles risquent de laisser ainsi nombre d’élèves sans enseignant.e en cours d’année. Pour le SNESUP-FSU, les stages des étudiant.es (avant concours) ne peuvent pas être en pleine responsabilité, uniquement guidés par les besoins de ressources humaines mais remplir leur rôle de formation et permettre une entrée progressive et accompagnée dans le métier.
L’écart est grand entre les intentions déclarées et les éléments connus de la réforme.
Le ministère affirme vouloir ancrer la formation dans l’université, par définition libre et critique. Pourtant, les décisions déjà prises montrent qu'il entreprend de la transformer progressivement en un formatage professionnel qui nie la liberté et la criticité nécessaires à un métier de concepteur.
Le ministère prétend offrir des chances d’accès au métier aux étudiant.es les moins fortuné.es par la généralisation du statut de contractuel.le. En réalité, la réforme est socialement discriminante puisqu’elle ne met pas en place un financement pour les études. Nous savons, et les études ne cessent de le montrer, qu’une activité salariée pour financer les études est source d’échec. Sans allocations d’études, l’objectif d’élargissement social du recrutement est un vœu pieux.
Le ministère dit vouloir soutenir le recrutement dans les métiers de l'enseignement : or il limite les recrutements éventuels par une sélection institutionnelle « extérieure », celle des berceaux de stage en M2.
Si des masters Métiers de l’enseignement et de la formation (MEEF) ont été créés, c’est a priori parce qu’une formation universitaire et professionnelle de haut niveau est jugée nécessaire pour acquérir les compétences requises par ces métiers complexes. Dans la réalité, les conditions d’étude offertes aux étudiant.es risquent de compromettre toute formation solide et réflexive du fait d’une mise en responsabilité précoce et d’un cumul impossible des objectifs à réaliser.
D’une manière générale, le ministère dit vouloir répondre aux problèmes actuels et réels de la formation des enseignant.es pointés par les formateurs/trices comme par les étudiant.es. Mais au lieu de s’appuyer sur l’expertise des acteurs/trices et de faire le pari de l’intelligence collective, il s’en défie et aggrave, par des décisions non concertées, certaines des difficultés constatées.