Communiqué du SNESUP-FSU de l’université d’Angers
L’interview donnée par M. le président de l’université d’Angers et parue dans la presse le 27 avril 2018 s’inscrit dans une défense idyllique de loi ORE (ou « Vidal ») portée par une majorité de présidents d’université. Elle est fondée sur le postulat naïf que des moyens vont être accordés aux universités pour accueillir les futurs étudiants.
L’analyse du SNESUP-FSU, principal syndicat des enseignants et enseignants-chercheurs de l’enseignement supérieur et de la recherche, est au contraire que la loi ORE est conçue pour ne pas augmenter les moyens au rythme de la croissance attendue du nombre d’étudiants, voire de les diminuer. Et c’est bien pour cela qu’elle réduit à néant le droit qu’avaient les bacheliers à s’inscrire librement à l’université. C’est aussi pour cela que le ministre de l’éducation nationale s’apprête à détruire le caractère national du baccalauréat en introduisant un contrôle continu dont la « valeur » dépendra de l’établissement d’origine des élèves.
Nous nous réjouissons que, suite à notre demande et à l’assouplissement de Parcoursup obtenu par la mobilisation des étudiant.e.s et personnels dans beaucoup d’universités, M. le président ait recommandé de remonter le rang du dernier « oui/oui si » au niveau des demandes (« vœux ») des bacheliers dans toutes les filières qui n’étaient pas « en tension » (surchargées) l’an passé. Cela évitera la détestable situation de mise « en attente » des demandes d’inscription jusqu’à la rentrée de septembre. Le ministère lui-même a intérêt à ce que, cette année, Parcoursup ne fasse pas pire que le scandaleux tirage au sort légalisé par le précédent ministère dans certaines filières (au lieu de leur donner les moyens de fonctionner).
Mais, une fois qu’il aura été mis en place et consolidé, que deviendra Parcoursup les prochaines années ? Il est à craindre qu’au nom d’arguments budgétaires pseudo-réalistes la démocratisation des études supérieures soit peu à peu rognée et même inversée, que le choix des études échappe peu à peu aux étudiant.e.s mais revienne au MEDEF et au recteur qui, de par la loi ORE, pourra décider de réduire les effectifs ou de fermer les formations jugées inutiles. L’université d’Angers vient elle-même d’en donner un exemple en supprimant 48h d’enseignements « libres » obligatoires en licence sans même que son conseil d’administration soit sollicité[1] et encore moins les enseignant.e.s qui y intervenaient.
Enfin, M. le président fait valoir que la loi ORE ne prévoit pas d’augmentation des droits d’inscription et affirme même qu’ils baisseraient en raison de la suppression de la cotisation sociale étudiante. Il oublie que cette cotisation n’était payée qu’à partir de 20 ans et qu’en revanche tous les étudiant.e.s [non boursiers] devront payer une contribution supplémentaire de 90€ (Art. L. 841-5.-I du Code de l'éducation). Il oublie surtout que la loi ORE n’est que le premier étage d’une mise en concurrence institutionnalisée des établissements censée, selon un conseiller éminent de M. Macron, être le terreau pour un basculement vers des droits de 4000 à 8000 euros selon l’établissement.[2]
C’est pourquoi le SNESUP-FSU continuera à revendiquer l’abrogation de la loi ORE. Ce n’est pas par la diminution des horaires –au lycée et à l’université–, ce n’est pas en remplaçant des enseignant.e.s qualifiés par des tuteurs étudiants inexpérimentés, ce n’est pas en remplaçant des cours réels par des cours virtuels, ce n’est pas en individualisant les parcours au mépris de toute cohérence disciplinaire et de ce que devraient être des diplômes nationaux que l’échec à l’université pourra être combattu, mais en donnant à toutes les universités les moyens matériels et humains de fonctionner pleinement.[3]
Angers, le 27 avril 2018
[1] En contradiction avec le titre V de l'article L712-6-1 du Code de l'éducation puisque cette mesure aura une implication financière, même « positive » d’un point de vue comptable.
[2] On se reportera aux textes jamais démentis du professeur R. Gary-Bobo et à l’accueil favorable qu’ils avaient reçu de M. T. Coulhon, conseiller spécial de M. Macron à l’enseignement supérieur et à la recherche. Ces « Macron Leaks » peuvent être téléchargés ici : https://www.wikileaks.org/macron-emails//fileid/50687/18178
[3] Cet échec est d’ailleurs à relativiser : selon l’OCDE, 80% des jeunes commençant des études supérieures en France obtiennent un diplôme au niveau L, ce qui place le pays en 4e position de l’OCDE (cf. Regards sur l’Éducation, OCDE, rapport 2013, page 70)