CNESER BUDGETAIRE DU 20 DECEMBRE 2018 - Intervention d’Hervé Christofol, Secrétaire général du SNESUP-FSU

Publié le : 20/12/2018

En comparant les LFI 2019 et 2018, la progression du budget de la MIRES est de 1,8 % soit une progression inférieure à l’inflation 2018 (2 %) et qui correspond tout juste à la croissance prévue en 2019. C’est-à-dire que le gouvernement ne respecte pas la trajectoire qu’il s’est pourtant lui-même engagé à tenir, à savoir 2 % du PIB en 2025 pour l’enseignement supérieur alors que nous stagnons à 1,5 % et 1 % pour la recherche publique (contre 0,6 % actuellement). Concernant cet indicateur nous sommes à la 15e place des pays de l’OCDE. Belle performance pour la 6e puissance économique mondiale.

Pour le budget de l’enseignement supérieur qui nous occupe aujourd’hui, sa croissance de 166 M€ ou 206 M€ si nous croyons aux promesses du gouvernement ne représente que 1,2 à 1,5 points soit là encore une croissance inférieure à celle prévu par le gouvernement pour de PIB 2019 (1,8 %). Et également une croissance inférieure à l’inflation prévue par la Banque de France pour l’année prochaine !

Vous pourrez me dire que ce n’est pas grave puisque le point d’indice est gelé et que 80 % des budgets des établissements sont consacrés aux salaires et traitements. En effet ce sont encore les personnels qui subiront les conséquences de cette austérité budgétaire.

Encore cette année cette augmentation de 166 M€ fait l’objet d’un jeu de Bonneteau en devant être affecté à de multiples destinations.

En effet, 173 M€ correspondent à des dépenses incompressibles pour les établissements :

  • 50 M€ de GVT 2019 ;
  • 50 M€ de compensation de la hausse de CSG ;
  • 39 M€ de revalorisation salariale de nos qualifications via PPCR ;
  • 26 M€ d’inflation sur la partie investissement et fonctionnement des dotations ;
  • 7M€ du CAS pension des emplois Sauvadet ;
  • 1M€ de compensation de la décharge pour les MCF néo-embauchés.

Il manque donc déjà 7 M€ ou il reste au mieux 27 M€ si nous croyons aux promesses pour :

  • Accueillir et faire réussir les 38 000 étudiants supplémentaires de la rentrée 2017 pour lesquels la représentation nationale et le ministère n’ont pas accordé 1 € aux établissements en 2018 et les 40 000 étudiants supplémentaires de cette rentrée 2018. Cela nécessiterait entre 400 M€ et 780 M€ pour leur consacrer le même investissement que celui qui a été accordé à leurs prédécesseurs. Avec le budget de la LFI2019 c’est l’investissement par étudiant qui baissera et sur cet indicateur nous sommes déjà à la 21e place des pays de l’OCDE. Le ministère n’a accordé en moyenne que 1500 € par place supplémentaire en 2019 (21 000 places et seulement 21,5 M€). Alors que quand il s’agit de faire payer les étudiants étrangers, le Premier ministre n’hésite pas à leur demander 2770 € en expliquant qu’il s’agit du tiers du coût complet en licence (soit 8500 € !).
  • 27 M€ donc pour également mettre en place les dispositifs de la loi ORE, estimés à 20,6 M€ dans la répartition des nouveaux moyens d’accompagnement :
  • 15,3 M€ pour les parcours personnalisés et les dispositifs d’accompagnement ;
  • 5,3 M€ pour l’examen des dossiers, les directions d’étude et l’accompagnement pédagogique.

Pour consacrer 2 h par an à chaque étudiant de L1 il faudrait recruter 370 ETP de directeurs d’étude qui mettront en place les contrats pédagogiques de réussite de la loi ORE soit 22 M€. À moins qu’ils ne soient financés en heures complémentaires au SMIC ce qui reviendrait alors à beaucoup moins cher mais tout de même à 6 M€ ce doit être ce qui est prévu…

  • 27 M€ pour investir à hauteur de 12,7 M€ dans de nouveaux appels à projet ;
  • 27 M€ pour financer la prime au mérite pédagogique de 50 M€ soit l’équivalent de la PEDR (12,5 en ¼ d’année) qui, si elle était équi-réparties sur l’ensemble du corps des EC, permettrait une augmentation de 2000 € pour toutes et tous ;
  • 27 M€ pour financer 35 M€ d’investissement immobilier …

Vous constaterez donc que sans le jeu de bonneteau traditionnel, il resterait au mieux 27 M€ de recette pour financer entre 103 M€ et 861M€ de dépenses suivant que l’on se satisfait ou non de la baisse de l’encadrement et de l’investissement nécessaire pour faire réussir toutes et tous dans l’enseignement supérieur.

Ce sont donc les personnels qui verront à la fois leur rémunération et leurs conditions de travail se dégrader et les étudiants qui verront leur condition d’étude se détériorer.

Avec ce jeu de bonneteau, vous appliquez les mêmes recettes de communication que le gouvernement précédent. Avec cette politique entre 2014 et 2018 nous avons perdu 2052 EC dans le corps électoral du CTU.

À moins que vous ne contraigniez les présidents d’université à augmenter les frais d’inscription pour les étudiants extra-communautaire comme vous l’avez, soi-disant, maladroitement suggéré dans votre lettre de notification de la SCSP de chacun des établissements la semaine dernière.

Car il n’a pas fallu attendre un mois mais seulement 3 semaines pour que cette potentielle nouvelle recette ne soit pas affectée à l’amélioration de l’accueil des étudiants étrangers mais qu’elle couvre le désengagement de l’État dans sa mission de financement du service public de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Cette mesure est injuste contraire au modèle de l’enseignement supérieur français qui est mondialement reconnu pour ses valeurs, humaniste, universaliste et émancipatrice, pour son haut niveau scientifique et pour la qualité de ses diplômes.

Nous n’accepterons pas de le faire basculer vers le modèle anglo-saxon basé sur la théorie du capital humain ou les étudiants achètent des formations pour acquérir des compétences monnayables sur le marché du travail, généralement en s’endettant au seul profit des banques et de plus en plus au détriment des comptes publics qui garantissent ces emprunts en cas de défaut.

La répartition de la trop faible dotation entre chacun des établissements ne tient pas compte des taux d’encadrements et des inégalités historiques de dotation entre universités.

Il est grand temps que le CNESER se saisisse de ce sujet et qu’une commission soit créée pour reconcevoir un système de dotation juste, équitable et digne du service public. Au lieu de cela, le ministère consacre l’opacité, la soumission et la concurrence en expérimentant un « dialogue de gestion » qui se voit dès cette année répartir 5 M€ entre les établissements les plus empressés à essayer d’obtenir plus que ce que la règle, il est vrai insatisfaisante mais néanmoins claire et partagée, leur aura attribué.

De l’argent il y en a :

  • 6 G € de CIR dont la majeure partie pour des multinationales qui font de l’optimisation fiscale ;
  • 40 G € de CICE qui double en 2019 ;
  • Suppression de l’ISF, …

Cela ne vous étonnera donc pas, mais dans ces conditions le SNESUP-FSU et la FSU voteront contre ce budget et cette répartition et construiront des mobilisations pour s’opposer à l’augmentation des frais d’inscription.

LIRE l'intervention d'Hervé Christofol au CNESER du 20 décembre 2018.pdf