APPEL DU 13 JANVIER 2005 POUR LA FORMATION DES ENSEIGNANTS
En cette première décennie du XXIème siècle, l'école française est confrontée à trois défis majeurs :
Le premier c'est de lutter contre l'échec scolaire et d'améliorer les acquis scolaires de nos élèves.
Le second c'est de passer à une nouvelle étape de démocratisation, plus égalitaire et moins ségrégative pour dépasser le palier atteint au cours de la précédente décennie ; c'est d'assurer une qualification reconnue à tous les jeunes, à quelque niveau qu'ils quittent le système éducatif ; c'est de porter à 80 % d'une classe d'âge le nombre de bacheliers ; c'est d'élever à trois millions le nombre d'étudiants, et à 50 % d'une même génération le nombre de diplômés de l'enseignement supérieur.
Le troisième c'est de recruter massivement par concours de nouveaux enseignants titulaires, des CPE, et d'améliorer l'encadrement.
Dans ce contexte, l'amélioration de la qualité de la formation initiale et continue des nouveaux enseignants est un des leviers décisifs.
UNE PROFESSIONNALITE ENSEIGNANTE RENOUVELÉE
Pour atteindre ces objectifs, rien ne doit être négligé, ni les pré-recrutements, ni la création de licences pluridisciplinaires, ni la rénovation des cursus universitaires, ni celle des concours de recrutement, des contenus et des pratiques de formation, ni l'accompagnement de l'entrée dans le métier, ni les moyens alloués, ni les mesures institutionnelles. C'est dire que le statu quo est impossible.
Les nouvelles exigences du métier d'enseignant appellent des transformations des conditions de formation et d'exercice du métier. Transformations pour permettre aux enseignants de travailler en équipes et pour leur donner du temps pour échanger, penser, concevoir et analyser ensemble leurs pratiques, leurs difficultés. Plus de temps pour penser individuellement leur métier et leur personnalité professionnelle. Plus de temps pour qu'ils mettent en œuvre, en commun, des pratiques pédagogiques diversifiées, des contenus d'enseignement exigeants en libérant l'initiative dans et hors de la classe : innovations didactiques, travaux en groupes, pédagogie différenciée, décloisonnements, travaux personnels et interdisciplinaires.
Dans ce but, il faut prendre appui sur toute la richesse du patrimoine pédagogique accumulée et mise en œuvre par les enseignants en poste. Mais, en même temps, une reproduction à l'identique des pratiques serait insuffisante pour donner un nouvel élan à la formation fondamentale des jeunes. Une formation basée sur le seul compagnonnage court le risque du conservatisme et du mimétisme. Faut-il rappeler qu'un enseignant formé en 2005 aura des élèves qui travailleront jusqu'à la fin du siècle !
C'est d'une professionnalité plus ancrée sur la recherche, l'innovation et la coopération entre les acteurs dont l'école d'aujourd'hui et de demain a besoin. Une professionnalité qui épouse toute l'originalité et la complexité du métier d'enseignant, ouvreur et passeur de culture, intellectuel au service du bien public. C'est le sens qu'il faut donner à la formation initiale et continue des enseignants. Force est de constater que le projet de loi d'orientation scolaire, massivement rejeté par le Conseil supérieur de l'Education du 16 Décembre et le Conseil National de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche du 20 Décembre, lui tourne le dos.
L'ENJEU : TRANSFORMER LES IUFM ET LES UNIVERSITÉS
Le projet de loi d'orientation scolaire n'est pas porteur de ces ambitions. Pour l'essentiel il réduit la réforme de la formation des maîtres à un changement statutaire des IUFM sans mettre en œuvre ni le sens, ni les moyens, ni les mesures de sa plus forte universitarisation, ni les conditions d'un bon rapport à la pratique et aux établissements scolaires. En l'état, il fait courir le risque d'une dilution des IUFM dans le champ universitaire et d'une réduction de la formation pédagogique à la répétition mimétique.
L'enjeu c'est de former des enseignants capables de maîtriser les savoirs scolaires et professionnels, de les faire s'approprier par les élèves, de répondre aux aléas pédagogiques. L'enjeu c'est de former des acteurs libres dans leurs choix pédagogiques mais aussi solidaires dans la communauté scolaire. L'enjeu c'est qu'ils s'impliquent socialement dans la réussite des jeunes, qu'ils les comprennent dans leur unité et leur diversité. Qu'ils leur fassent partager des valeurs et une culture communes. Qu'ils leur donnent confiance, et qu'ils leur permettent d'accéder à une citoyenneté active.
La formation des maîtres est une mission essentielle du service public d'enseignement supérieur et de recherche. Grâce à une plus forte coopération des Universités et des IUFM, elle doit faire des progrès pour être plus et mieux universitaire et professionnelle.
Plus et mieux universitaire pour les étudiants en intégrant plus fortement l'ouverture aux métiers de l'enseignement dans le cursus licence ; en validant sous forme de crédits dans le cursus master la préparation d'une année aux concours de recrutement et les contenus de formation de la deuxième année d'IUFM notamment un mémoire professionnel repensé dans ce cadre. Plus et mieux universitaire en affectant dans les IUFM plus d'enseignants-chercheurs et en développant leurs capacités de recherche fondamentale et appliquée, notamment dans le champ de la didactique et de l'éducation pour augmenter les connaissances sur le métier. Plus et mieux universitaire en innervant par la recherche les pratiques et les contenus de formation.
Plus et mieux professionnelle grâce à la mise en œuvre de dispositifs de formation intégrant le double terrain de la théorie et de la pratique et associant des équipes pluricatégorielles de formateurs. L'alternance de l'action et de la réflexion, de l'identification des problèmes et de leur analyse, devant être intégrée dans un plan de formation ; plan balisant des itinéraires progressivement professionnels. Il faut concevoir la formation des enseignants comme la conquête d'une « professionnalité globale » intégrant tous ses éléments : savoirs disciplinaires et didactiques, savoirs pédagogiques, méthodologiques et d'action.
De ce point de vue, la coopération d'enseignants-chercheurs, de professeurs du premier et du second degré affectés à temps plein à l'IUFM et de professeurs affectés dans des établissements scolaires est un impératif. De même, il faut renforcer la dimension co-disciplinaire des actions de formation et mettre en perspective pratique les savoirs théoriques. L'écriture d'un mémoire à caractère professionnel par les professeurs stagiaires est un des éléments structurants de leur professionnalisation.
Mais aussi nous demandons que les missions des IUFM soient développées ainsi que la totalité et l'identité de leur potentiel humain et matériel sur l'ensemble du territoire national. Pour ce faire, il faut garantir leur autonomie démocratique et financière et qu'ils aient un noyau de personnels stables, formés professionnellement et affectés à temps plein à l'IUFM pour mettre en œuvre dans la durée une politique de formation : enseignants-chercheurs, professeurs de premier et de second degré formés à l'ensemble des missions de ces instituts. Il faut aussi négocier un vrai cadrage national de la formation des enseignants.
Mais aussi l'université doit s'engager dans des mutations profondes permettant de mieux prendre en compte les exigences des métiers de l'éducation et la spécificité de leur activité professionnelle. Mais aussi elle doit relever le défi de leur formation continue.
Ce jour, 13 Janvier, nous appelons à la mobilisation sur ces objectifs dès le 20 Janvier. La formation des maîtres et l'école française sont à un tournant, c'est pourquoi nous appelons toute la communauté éducative à s'engager sur ces enjeux pour d'autres choix que ceux que veut nous imposer la politique libérale aujourd'hui mise en œuvre.